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LABRADOR ET ANTICOSTI

Un quart de siècle plus tard, en 1895, on y compte 54 ménages, dont une bonne partie appartiennent à une branche acadienne de la famille Huard, dont je ne soupçonnais aucunement l’existence ; comme ces parents du vingt-cinquième degré n’en savaient pas plus long à mon sujet, cela diminuait beaucoup, de part et d’autre, les ennuis que l’on peut croire que nous éprouvons d’une pareille situation.

Presque toute la population de Magpie est composée d’Acadiens venant de la Gaspésie, surtout de la baie des Chaleurs et spécialement de Paspébiac (mot que l’on entend souvent prononcer ici Paspéya) ; il en est de même des deux cent cinquante hommes qui viennent seulement pour la saison de la pêche. Et c’est au point que l’on désigne tout ce monde sous le nom de « Paspébiacs ». Ces Paspébiacs ont un caractère absolument tranché même au milieu de la population acadienne. Il n’est vraiment pas facile d’avoir, plus qu’eux, la tête près du bonnet, et il faut y regarder à deux fois avant de les contredire ; ils ont, semble-t-il, le sang à une température très élevée. Quand ces braves gens causent entre eux, vous les croiriez transportés de colère, tant ils ont le verbe haut et… l’adjectif retentissant. Partout on reconnaît cette ardeur qui est dans leur tempérament, et la tiédeur dans la foi n’est pas leur fait : ils descendent en ligne directe des Francs dont le roi Clovis aurait voulu se voir accompagné pour aller chauffer les oreilles aux mécréants qui crucifiaient Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le matin de notre départ de Magpie, un colporteur juif (encore la question juive !) tout frais débarqué s’étant aventuré, dans la maison où il logeait, à critiquer la dévotion au scapulaire de la sainte Vierge, reçut la réplique de la mère de famille elle-même, et il y a lieu de croire qu’il ne remit pas lui-même la question sur le tapis. Ils ont pour le prêtre un attachement sans bornes. « S’il fallait, me disait l’un d’eux, donner pour notre missionnaire tout le sang de nos veines, ce serait fait tout de suite. » Les chefs de la Mission ont eu le toupet de dire à Monseigneur : « Si Votre Grandeur nous ôte M. le curé Bou-