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LABRADOR ET ANTICOSTI

qui n’en est pas à ses premières courses, part à pied pour Magpie, à une heure de l’après-midi : il paraît que ce trajet de cinq lieues est particulièrement difficile, surtout par un temps pareil.

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Je remarque que, ici surtout, les chiens font un vacarme infernal durant la nuit ; et je ne conseille pas aux gens qui ont perdu le sommeil de venir le chercher à la Rivière-au-Tonnerre, où ils ne le retrouveront certainement pas. On garde à la chaîne bon nombre de ces chiens, que leur humeur vagabonde entraînerait sur les emplacements de certains propriétaires qui ne se gêneraient peut-être pas de les tuer, et ce serait souvent une perte très sérieuse. Mais on ne s’est sans doute pas donné la peine d’expliquer tout cela aux prisonniers, qui ne paraissent pas se douter des avantages de leur position, avantages d’ailleurs qui ne sont pas toujours de nature à faire des envieux. J’ai vu, par exemple, un chien attaché à un poteau, au milieu d’un champ, et sans aucun abri, subir ainsi ces quatre jours de tempête et de pluie : j’étais ému de pitié pour ce pauvre animal, surtout la nuit, qu’il passait presque tout entière à hurler ou plutôt à gémir de la façon la plus déchirante. Je dois pourtant ajouter que j’en ai entendu d’autres, ailleurs, gémir de la même manière durant la plus belle nuit. C’est peut-être la façon de ces chiens de faire des sonnets à la lune. S’il n’en est pas ainsi, je n’y comprends plus rien et je leur jette ma langue ; et je prie M. Garner, qui ne s’est pas absolument couvert de gloire dans son excursion chez les singes de l’Afrique, d’essayer de se reprendre avec les chiens du Labrador.

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Les Juifs à la rivière au Tonnerre ! — La pièce que j’habite, chez le brave pêcheur acadien qui me donne l’hospitalité, était occupée, l’année dernière, par un colporteur juif qui passa l’été