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LABRADOR ET ANTICOSTI

même ; elle me rappelle le parfum de l’essence de rose qu’aux seuls physiciens — partisans de la grande théorie de l’unité de la matière : ces messieurs, en effet, n’ont qu’à se réfugier dans la constitution atomique des corps, pour ne plus avoir à souffrir, ni dans l’odorat, ni dans le goût, des états accidentels où peut se trouver la matière. Quoi qu’il en soit, à mesure que l’huile se dégage, elle monte à la surface. On la recueille de temps en temps, et on la met reposer dans un baril ouvert ; plus tard, on la met en barrique.

Le rendement des foies de morue n’est pas toujours le même. Certaines années, un quintal de foies donne un gallon d’huile ; d’autres années, à peine une pinte. On a remarqué que plus la morue est abondante, plus elle est grasse, et plus les foies donnent d’huile. Quand, au contraire, la morue est rare, elle est maigre et fournit peu d’huile. C’est au point qu’il arrive quelquefois que l’on ne « sauve » pas les foies, à cause de leur peu de valeur oléigène. Mais quand on nous donne tous ces renseignements, on ne manque pas d’ajouter que, une fois, on vit 150 « drafts » de morue donner cinq barils (vides de pétrole) d’huile de foie de morue. Cela soit dit pour la consolation des médecins, qui, prenant en considération les innombrables drafts de morue qu’il y a dans la mer, n’ont pas à se gêner, et peuvent sans scrupule aucun prescrire à leurs malades de prendre autant d’huile de foie de morue qu’ils voudront.

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La petite rivière aux Graines a donné son nom à la localité qu’elle arrose. Elle arrive au Saint-Laurent par une jolie cascade, dont le bruit aurait chance de se faire entendre à quelque distance, s’il n’avait un rude concurrent dans le bruit des flots qui se brisent sans cesse sur les rochers du rivage. Tout près de cette cascade, débouche aussi de l’intérieur des terres un ruisseau de bonne taille. Ruisseau et rivière mêlent leurs eaux dans un estuaire commun, long de quelques arpents, qui forme