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MOISIE — RIVIÈRE-AUX-GRAINES

La pêche n’est pas l’unique source de revenus des citoyens de Moisie. La traite des pelleteries s’y fait en grand par le comptoir de la Compagnie de la baie d’Hudson, et par quelques particuliers, dont l’un me disait acheter pour environ $8.000 de fourrures par année. Ces marchands avancent à chaque famille sauvage toutes les provisions dont elle aura besoin pour l’année : des étoffes diverses, des couvertes, de la farine, des munitions et surtout du thé et du tabac ; on se procure aussi quelques livres de fil dont on fabriquera un rets pour prendre de la truite dans les lacs. Et l’on entre dans le bois avec tout ce bagage et bien d’autres encore. Une famille de seize personnes, partie d’ici le 7 août 1898, et qui deux ans après n’était pas encore revenue « à la mer », emporta cinq barils de farine, ce qui est assez encombrant à transporter. Un homme peut porter un baril à farine, que l’on a partagé en trois sacs, dont il soutient l’un avec sa tête, et les deux autres avec ses épaules : des courroies de longueur convenable font que ces sacs s’appuient sur son dos à des hauteurs variables.

C’est ici que le crédit commercial est une institution très florissante ; car le marchand a dû avancer tous ces approvisionnements sans billets promissoires, sans autre garantie que la parole du sauvage, qui s’endette ainsi pour des centaines de piastres chaque automne. La chasse qu’il va faire durant dix mois lui permettra, à son retour, de payer ce qu’il doit. Ce qui est fâcheux pour le marchand, c’est que, parfois, le sauvage considère sa dette comme éteinte, s’il n’apporte pas assez de pelleterie pour la payer tout entière. Il y a peut-être des blancs qui, en pratique, n’ont pas une idée plus exacte de l’équité ; en tout cas, ce serait bien commode, si toutes les dettes non acquittées au bout d’un an prenaient fin ainsi toutes seules. Mais il est à croire que les marchands auront toujours assez d’influence sur nos assemblées législatives pour empêcher de tels principes d’entrer dans nos lois.

Il arrive bien aussi que les sauvages, une fois leurs comptes payés, se trouvent à avoir un surplus. Cet argent, on peut en