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LE MANOIR

neur et pour qui l’honneur est ce qu’il y a de plus digne d’ambition. Prends ta malheureuse épouse par la main, conduis-la devant Son Excellence, dis-lui que, charmé par une beauté dont, hélas ! il ne reste plus de trace, tu t’es uni pour la vie à Joséphine Pezard de la Touche. Par là tu me rendras justice, et tu sauveras ton honneur. Et si la puissance du gouverneur t’oblige à te séparer de moi, j’irai, sans déshonneur au moins, cacher mon désespoir dans l’obscure retraite d’où tu m’as tirée.

Elle s’était exprimée avec tant de noblesse que M. Hocquart sentit toutes ses émotions généreuses se réveiller dans son âme. Ses yeux se dessillèrent, et il vit sous un vrai jour sa conduite à l’égard de son épouse infortunée.

— Joséphine, répondit-il, je ne suis pas digne de toi, puisque j’ai pu hésiter un instant entre l’ambition et un cœur comme le tien. Sois sans crainte, je vais préparer les voies pour annoncer notre mariage secret au gouverneur, afin qu’il ne pousse pas trop loin son ressentiment, incité qu’il y sera sans doute par…

M. Hocquart allait dire — par la marquise et Mlle de Beauharnais, mais il s’arrêta à temps pour ne pas laisser Joséphine soupçonner que cette demoiselle comptait devenir un jour son épouse. Il embrassa sa femme en lui disant qu’il avait besoin de sortir et qu’il reviendrait auprès d’elle aussitôt après son entrevue avec M. de Beauharnais. Et il se retira, suivi de Deschesnaux.

Celui-ci regarda Joséphine avec une expression haineuse et se dit à lui-même :

— C’est elle qui me pousse… l’un de nous deux doit périr, le sort en est jeté !