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MYSTÉRIEUX
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CHAPITRE XXXI

RENCONTRE IMPRÉVUE


Il arriva que les deux promeneurs les plus matinals furent le gouverneur et l’intendant. Après avoir causé quelques instants ensemble dans le jardin de devant, le gouverneur se dirigea seul vers le parterre de derrière. Il paraissait aussi pensif que la veille au soir. Pour éviter d’être dérangé dans ses réflexions, il entra dans la charmille où Joséphine se tenait cachée. Lorsque ses yeux aperçurent une femme debout dans un coin, il crut d’abord voir une statue, tant était complète l’immobilité de Joséphine ; mais, en s’approchant, il reconnut que c’était un être vivant. À l’air imposant de l’étranger, Joséphine ne douta pas que ce fût le gouverneur, et elle n’osa s’avancer, se rappelant combien de fois M. Hocquart avait paru craindre que M. et Mme de Beauharnais ne vinssent à apprendre son mariage secret.

Le gouverneur remarqua l’embarras de la pauvre femme, crut que c’était une actrice d’un rôle allégorique que sa présence imprévue jetait dans la confusion. Il lui dit d’un ton bienveillant :

— Je ne vous savais pas ici, mais, pendant que je vous vois, je vous félicite, vous et vos compagnes, de la façon tout à fait naturelle et intéressante avec laquelle vous avez rempli vos rôles allégoriques hier soir.

Au lieu de répondre, Joséphine se jeta aux genoux du gouverneur et, joignant les mains, elle leva vers lui des yeux où se peignaient d’une manière si touchante la crainte et la prière qu’il en fut vivement ému.