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MYSTÉRIEUX
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j’ai déjà souffert bien d’autres choses pour vous, étant persuadé, d’ailleurs, que c’est un sentiment noble, quoique mal raisonné, qui vous agite et vous les fait proférer. J’ai voulu empêcher que votre ennemi DuPlessis, que votre espoir d’avancement, M. de Beauharnais, ne pénétrassent dans un secret qu’il est de votre plus grand intérêt de ne point leur dévoiler, surtout dans les circonstances présentes ; or, si j’ai mal fait en agissant avec autant de dévouement envers celui dont le succès est ma suprême satisfaction, est-ce bien au moins à vous à me le reprocher d’une manière aussi sanglante ?

— Pardonnez à mon excitation du moment, répondit M. Hocquart, déjà à moitié désarmé par cette réplique habile. Cette tactique était peut-être la seule sage ; mais si vous saviez la violence qu’il m’a fallu faire aux sentiments les plus tendres de mon cœur pour m’y associer par mon silence !…

— Je comprends, M. l’intendant, toute la générosité de votre indignation passagère ; c’est une trop bonne marque de la noblesse de votre cœur pour que je ne la reconnaisse pas comme telle. Mais, après mûre réflexion, vous en viendrez infailliblement vous-même à la conclusion que cette tactique, comme vous voulez bien qualifier ma ligne de conduite, n’est pas moins propre à assurer le bonheur futur de celle que vous chérissez si justement, que le vôtre même.

— Je l’espère, Deschesnaux. Cependant avouons que nous jouons gros jeu en ce moment. Auparavant, on ignorait mon mariage, il est vrai, mais on pouvait l’apprendre sans m’accuser d’avoir menti pour le tenir secret ; tandis qu’à présent, si la chose devenait connue, on me considérerait comme un vil imposteur.