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Leurs femmes, au front ceint, passaient le pain d’usage.
Ainsi tous au repas fournissaient leur écot.

Cependant les rivaux, devant le seuil d’Ulysse,
S’amusaient à lancer le disque et les épieux
Sur le brillant pavé, leur insolente lice.
Le fier Antinoüs, Eurymaque aux beaux yeux
Siégeaient à part, primant au nom de leur vaillance.
Noémon, fils de Phrone, à l’imprévu les joint ;
Au premier de ces chefs il dit avec aisance :
« Antine, savons-nous ou ne savons-nous point
Quand du sol pylien reviendra Télémaque ?
Je lui prêtai ma nef, et suis sans bâtiments
Pour passer en Élide où j’ai douze juments
Et des mulets nerveux qu’en vain la verge claque.
Je voudrais en prendre un, afin de l’enfourcher. »

Il dit : stupeur des deux, qui ne soupçonnaient guères
Ce voyage à Pylos, croyant l’autre en ses terres,
Auprès de ses moutons ou près de son porcher.

Soudain à Noémon Antine, fils d’Eupithe :
« Parle-moi franchement. Quand donc est-il parti ?
Quels compagnons prit-il ? Des jeunes gens d’élite,
Ou des gars soudoyés ? j’admets chaque parti.
Mais déclare de plus, car cela m’intéresse,
S’il t’enleva d’effort ton bateau goudronné,
Ou si tu le livras sur sa demande expresse. »

Noémon Phronien répond déterminé :
« De moi-même ! et qui donc n’eût aimé satisfaire
Le désir d’un tel homme, accablé de souci ?