Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il aurait fui la mort, quoique en butte à Minerve,
S’il n’avait follement juré d’un ton proterve
Que, malgré tous les dieux, du gouffre il sortirait.
Or, Neptune entendit cette parole altière ;
Il saisit son trident de sa robuste main,
Et, percutant Gyra, fendit en deux la pierre.
Une moitié tint bon, l’autre croula soudain.
C’est sur elle qu’Ajax trônait dans sa folie ;
Elle emporta son corps dans les flots noirs, houleux.
À la coupe salée il but jusqu’à la lie.
Quant à ton frère, il put, avec ses bateaux creux,
Grâce à Palme Junon, s’enfuir, tromper les Kères.
Mais comme il atteignait le cap vertigineux
De Malée, un orage, étouffant ses prières,
L’entraîna plus au nord du manoir poissonneux,
Vers la pointe où jadis Thyeste eut sa demeure,
Où son dur fils Égisthe en ce temps résidait.
La route cependant devint bientôt meilleure ;
Les dieux tournaient le vent, au port on abordait.
Agamemnon ravi descend, touche la terre,
Baise le sol natal, mouillant de tièdes pleurs
Ses jeux que délectait cette rive si chère.
Un espion le vit, posté sur des hauteurs
Par Égisthe, lequel lui promit, comme amorce,
Deux talents d’or ; l’argus veillait depuis un an,
De peur que le grand chef n’entrât vite ou de force.
Il courut annoncer la nouvelle au tyran.
Égisthe ourdit alors une trame perfide :
Du coup il embusqua vingt guerriers de renom
Et commanda l’apprêt d’une table splendide.
Lui-même convia l’auguste Agamemnon,
Du haut d’un char superbe, en méditant un crime.