Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/396

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Comme toute eau du ciel, tant s’y pressait la ronce.
Mille feuilles jonchaient cette redoute, absconse.
Le solitaire entend les chiens et les veneurs
S’élançant au taillis ; il sort de sa retraite,
Les crins tout hérissés, des flammes dans les yeux,
Et fait face au péril. Ulysse, vite en tête,
Lève énergiquement son fer audacieux,
Jaloux de le percer. Plus prompt, d’un coup oblique,
Au-dessus du genou le porc fend le héros ;
L’ivoire ouvre les chairs, mais sans atteindre l’os.
Ulysse en son flanc droit plonge aussitôt sa pique ;
D’outre en outre le monstre a le corps traversé.
Il roule sur le sol et bruyamment expire.
Les bons fils d’Autolyque entourent le blessé,
Et, bandant avec art l’accroc du jeune Sire,
Arrêtent le sang noir par un enchantement ;
Ensuite l’on retourne au foyer domestique.
Le riche Autolycus, ses fils pareillement,
L’ayant guéri, comblé de maint don mirifique,
Se hâtent de le rendre, entièrement heureux,
À ses doux bords. Son père et sa très noble mère,
Ravis de son retour, sur le coup désastreux
L’interrogent en plein. Lui, de narrer sincère
L’entaille que lui fit la dent du sanglier
Qu’au Parnése il chassa, joint aux fils d’Autolyque.

La vieille a reconnu cette marque authentique ;
Elle en laisse échapper la jambe du guerrier.
Et la jambe retombe au bassin qui résonne,
Puis se renverse ; l’onde à terre se répand.
De joie et de douleur Eurycléa frissonne ;
Son œil s’emplit de pleurs, et sa langue se prend.