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Maintenant, et que j’eusse un bouclier, deux dards,
Un casque tout d’airain s’adaptant à ma tempe,
Ton œil au premier rang verrait que je me campe,
Et ma faim ne serait l’objet de tes brocards.
Mais tu vas m’insultant, sans cœur sur moi tu baves.
Tu t’ériges sans doute en guerrier capital,
Parce que tu t’assois parmi quelques faux braves.
Qu’Ulysse reparût dans son pays natal,
Ces larges portes-ci te sembleraient étroites,
Quand par le vestibule au loin tu voudrais fuir. »

Eurymaque frémit sous ces réponses droites,
Et, le regard farouche, il dit pour s’assouvir :
« Ah ! drôle, je m’en vais t’écharper, toi qui pestes
Si haut devant ces chefs nombreux. Tu ne crains rien
Dans ton cœur. Le vin pur t’ôte le sens, ou bien
C’est ton état normal ; fous sont tes faits et gestes.
Es-tu si fier du crac d’Irus le polisson ? »

Ce disant, il saisit son escabeau ; mais comme
L’engin partait, le roi s’assit contre Amphinome
De Duliche : le coup atteignit l’échanson
À la dextre ; avec bruit sur le sol chut l’aiguière,
Et son porteur roula dans la poudre en geignant.
Les galants de glapir de la belle manière,
Et tous de s’écrier, l’un l’autre se guignant :
« Que n’est-il mort déjà, dans sa course marine,
Ce vagant ! il n’aurait causé de tels fracas.
Voici que pour des gueux naissent des altercas ;
Adieu nos gais festins, c’est le mal qui domine. »

Aussitôt Télémaque, en sa noble raison :