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Comme moi : mais les Dieux dispensent la fortune.
N’invoque donc tes poings et crains de m’irriter ;
Quoique vieux, je pourrais t’ensanglanter la face
Et le poitrail ; demain je n’en irais que mieux.
En effet sous le toit de l’absent glorieux
Tu ne reprendrais pas ton insolente place. »

Le mendiant Irus lui riposta vexé :
« Holà ! que ce vorace a le verbe facile.
La vieille cendrillon ! Je veux, purgeant sa bile,
Faire sauter les dents de son groin fracassé,
Comme celles d’un porc qui d’épis mûrs déjeune.
Trousse-toi, qu’à l’instant on juge de nos coups ;
Mais quoi ; lutteras-tu contre un homme plus jeune ? »

Ainsi se produisait leur mutuel courroux
Sur le seuil radieux, devant la haute porte.
Le fier Antinoüs les vit subitement,
Et, riant aux éclats, s’exclama de la sorte :
« Très chers, rien de pareil au divertissement
Qu’un dieu pour nos regards suscite sous ces frises.
Irus et le forain, s’insultant furieux,
Veulent s’entre-choquer ; mettons-les donc aux prises.

Il dit ; tous les Amants se levèrent joyeux
Et firent cercle autour des lutteurs en guenille.
Alors Antinoüs, fils d’Eupithe, à ses pairs :
« Écoutez ma parole, ô Prétendants experts.
Pour le repas du soir à ce foyer grésille
Maint ventre de chevreau, rouge, gras, embaumant.
Que le plus fort des deux, le vainqueur dans l’affaire,
Ait le droit de choisir le morceau qu’il préfère.