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Déchirée et pendue à de méchants cordons.
Le porcher lui remit une branche efficace.
Et de partir tous deux, laissant chiens et garçons
Garder l’étable. Eumée ainsi menait son maître,
Sous la forme d’un pauvre, ancien et souffreteux,
Courbé sur un bâton, vêtu d’un habit piètre.

Comme enfin ils sortaient du chemin raboteux,
Ils virent, en touchant à l’urbaine limite,
Une belle fontaine où puisait la cité,
Œuvre de Polyctor, d’Ithace et de Nérite.
À l’entour s’étendait un altis, tout planté
De peupliers ondeux, et la fraîche rigole
Coulait d’un roc, coiffé par un autel nymphal
Dont tout passant fêtait le granit triomphal.
En ce lieu les trouva Mélanthe, fils de Dole.
Suivi de deux bergers, il venait conduisant
Pour la faim des intrus ses chèvres les plus belles.
Il aperçut le couple et, d’un air méprisant,
Dit ces phrases sans cœur, pour Ulysse cruelles :
« Les vauriens des vauriens ne se séparent pas ;
Un dieu sait réunir les gens de même race.
Où donc, mauvais porcher, guides-tu ce vorace,
Ce fâcheux vagabond, ce fléau des repas ?
Il s’usera l’échine à quêter de vils restes,
Non des plats, des trépieds, aux différents poteaux.
Si tu me le donnais pour mes travaux agrestes,
Il nettoierait la cour, panserait les chevreaux,
Et, mangeant du caillé, s’épaissirait le râble.
Mais comme il n’apprit rien de bon, de sérieux,
L’ouvrage lui fait peur ; il préfère en tous lieux
Mendier pour remplir son ventre insatiable.