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De Télémaque ; en vain nous rîmes du projet.
Allons vite, lançons notre meilleur navire ;
Couvrons-le de marins, pour que rapidement
Nos pairs soient avisés de rentrer de leur chasse. »

Comme il parle, Amphinome, en pivotant sur place,
Dans le port spacieux découvre un bâtiment,
Des voiles que l’on tord, des rames qu’on enlève.
Avec un doux sourire, alors aux conjurés :
« N’envoyons plus d’avis, car les voilà rentrés.
Quelque dieu les prévint, ou bien, eux, de leur grève
Ont vu passer la nau, sans pouvoir la saisir. »

Il dit ; tous, se levant, descendent au rivage.
Sur le sable bientôt la quille va gésir,
Et d’actifs mariniers emportent le gréage.

Cela fait, les rivaux se forment en conseil,
N’admettant auprès d’eux ni garçon ni géronte.
Antine, fils d’Eupithe, élève une voix prompte :
« Ah ! les dieux l’ont sauvé d’un terrible appareil !
Le jour, de bons guetteurs sur les venteuses cimes
Montaient, se relayant, et, le soleil fini,
Loin de dormir à terre, on croisait les abîmes,
Fatiguant le bateau jusqu’au matin béni,
Pour trouver Télémaque, et le prendre et l’occire
D’un coup ; mais un démon l’a ramené gaîment.
Or, méditons ici la fin du jeune sire.
Gardons qu’il ne réchappe ; aujourd’hui, sûrement
Sa vie est un obstacle à notre réussite.
Télémaque est prudent, énergique à la fois,
Et le peuple envers nous déjà même s’irrite.