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Des rameaux verdoyants qu’il recouvre de peaux.
Sur ce siège moelleux le prince va s’étendre.
Le pâtre apporte ensuite un amas copieux
De rôtis succulents, conservés de la veille.
Il entasse le pain au fond d’une corbeille
Et mêle en un cissybe un vin délicieux ;
Puis lui-même s’assoit face au divin Ulysse.
Tous trois aux mets servis s’empressent de toucher.
Quand ils ont épuisé l’assiette et le calice,
Télémaque s’adresse au céleste porcher :
« Père, d’où vient ce pauvre ? Et comment dans Ithaque
Des marins l’ont-ils mis ? De plus, quels sont ceux-là ?
Certes, il n’a point à pied franchi l’immense flaque. »

Pasteur Eumée, alors ta bouche ainsi parla :
« Mon fils, je t’instruirai de la vérité pure.
L’étranger est natif du vaste sol crétois,
Et dit avoir roulé partout à l’aventure.
Du Sort à son égard telles furent les lois.
Échappé récemment d’un navire thesprote,
Il vint dans ma cabane, et je te le remets.
Décide, il sera fier de devenir ton hôte. »

Le sage Télémaque au chef de ses gorets :
« Ton discours sûrement m’attriste, cher Eumée.
Comment puis-je chez moi recevoir le passant ?
Je suis jeune, et ma main n’est pas encor formée
À repousser les traits de tel gueux menaçant.
Pour ma mère, son âme en deux sens se partage :
Doit-elle demeurer à tenir ma maison,
Par pudeur conjugale et peur du bavardage,
Ou bien suivre le Grec qui prime à la saison