Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/320

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Qui d’un pays lointain lui rentre après dix ans,
De même le brave homme embrasse son doux maître,
Comme s’il réchappait de l’infernal enclos.
Il lui darde en pleurant cette phrase première :
« Te voilà, Télémaque, ô ma douce lumière ;
Je te croyais perdu, dès ta course à Pylos.
Mais viens, mon cher enfant, que mon cœur se dilate
À te bien contempler, toi, soudain visiteur.
Tu ne te rendais guère au toit de ton pasteur.
La ville te retient ; vraiment cela te flatte
De mirer des galants le perfide tournoi. »

Le sage Télémaque en ces mots le console :
« Père, sois satisfait ; je viens ici pour toi,
Pour te voir de mes yeux, jouir de ta parole,
Et savoir si ma mère est encore au palais,
Ou si, remariée, en la couche d’Ulysse
Elle laisse l’aragne ourdir ses noirs filets. »

Le vieux chef des porchers dit au prince novice :
« La reine, sans faiblir disputant le terrain,
Reste dans ton château ; mais ses nuits, ses journées
S’écoulent sombrement, aux larmes condamnées. »

Il l’allège aussitôt de sa lance d’airain,
Et Télémaque entrant passe le seuil de pierre.
Le monarque à son fils veut céder son pliant,
Mais celui-ci l’arrête, et d’un ton bienveillant :
« Étranger, rassieds-toi ; notre garde-chaumière
Saura m’improviser quelque lit de repos. »

Ulysse se rassied ; Eumée alors d’épandre