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Les urbains prévenus surgirent dès l’aurore ;
La plaine en un clin d’œil s’emplit d’airain sonore,
De piétons, de chevaux. Zeus au foudre indompté
Jeta parmi les miens la Fuite avilissante ;
Nul n’osa résister, la mort pleuvait partout.
Un grand nombre tomba sous l’épée incessante,
Et le cachot retint ce qui resta debout.
Mais Zeus lui-même en moi glissa cette pensée
(Oh ! que n’ai-je plutôt en Égypte péri,
Puisque ma vie encor devait être oppressée ! ) :
Je dépouillai mon front de mon casque aguerri,
Mon dos du bouclier, ma main d’un dard fallace,
Et, me précipitant vers les coursiers du roi,
J’embrassai ses genoux ; il s’émut, me fit grâce,
Au palais sur son char m’emporta plein d’émoi.
Ses gardes à l’envi m’effleuraient de leurs lances,
Désireux de m’occire en leur déchaînement ;
Mais il les écartait, par peur d’un châtiment
De Zeus le xénien, contraire aux violences.
Je restai près de lui sept ans, et glorieux
De mes trésors, car tous m’en donnaient à poignée.
Déjà c’était le tour de la huitième année,
Quand survint un Phénice, un être astucieux,
Auteur de mille maux parmi la race humaine.
Fourbe, il sut m’entraîner aux bords phéniciens
Où se trouvait sa case, ainsi que son domaine.
Je passai tout un an au centre de ses biens.
Lorsque des jours, des mois s’épuisa la série,
Et que, l’an révolu, revinrent les saisons,
En traître il m’enrôla pour mener en Lybie,
Sous son autorité, de vaines cargaisons ;
Mais il voulait m’y vendre à prix considérable.