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En vain je le cherchai, Jovienne déesse !
Tu ne vins sur ma barque amortir mes échecs.
Et j’errai longuement, le cœur rongé sans cesse,
Jusqu’au jour où des dieux m’épargna la bonté.
Il est vrai que ta voix de l’opulent Phéaque
Sut, en me rassurant, m’entr’ouvrir la cité.
Or, dis-moi, par ton Père (en effet dans Ithaque
Je n’ose pas me croire, et c’est un autre bord
Que fouleront mes pieds ; ta preste raillerie
S’essaie à m’agiter d’un stérile transport),
Dis-moi si j’ai rejoint ma très chère patrie. »

Minerve aux clairs regards, prompte à le redresser :
« Toujours la défiance existe en ta poitrine ;
Aussi dans ton malheur je ne puis te laisser,
Car ta langue est adroite et sage ta doctrine.
Après un temps si long, un autre bondirait
Vers sa maison, ses fils, son épouse modèle.
Toi, tu ne veux rien voir, rien faire d’indiscret,
Avant que d’éprouver ta femme, qui chez elle
Nourrit ton souvenir, car ses nuits et ses jours
Se passent lentement dans le deuil et les larmes.
Je savais en mon âme, et j’y comptais toujours,
Que tu reviendrais seul, sans un compagnon d’armes.
Mais je n’osais lutter contre Poséidon,
Mon oncle rancuneux, dont la haine te traque
Depuis que tu pris l’œil de son cher rejeton.
Or ça, pour t’éclairer, que je te montre Ithaque !
De Phorcys, dieu marin, voici l’antique port.
Au fond est l’olivier déroulant ses feuillades,
Et tout auprès la grotte au sombre et frais abord,
Vouée aux Nymphes d’eau qu’on appelle Naïades.