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Si tu n’y touches pas et songes au retour,
Vous reverrez Ithaque, encor que bien moroses.
Mais si ta main leur nuit, tu perdras tour à tour
Ta nef, tes compagnons ; pour toi, que tu reviennes,
Ce sera tard et mal, privé de tous les tiens,
Sur un pont étranger : dans tes salles anciennes
Trôneront les intrus qui dévorent tes biens
Et briguent par leurs dons ta vertueuse épouse.
Mais ton bras, en rentrant, punira leurs méfaits.
Après avoir tué cette race jalouse,
Par ruse ou franchement sous d’implacables traits,
Repars vite, muni d’une rame solide,
Jusqu’aux terres d’un peuple ignorant de la mer,
Qui n’aiguise de sel sa cuisine insipide,
Et n’a point vu de nefs rougir l’espace amer,
Ni jouer d’avirons, ces ailes des carènes.
Voici le signe exact qui doit te gouverner :
Dès qu’un passant dira, te croisant dans les plaines,
Qu’à tes épaules brille une pelle à vanner,
Fiche en terre aussitôt ta rame triomphale ;
Offre en beau sacrifice au roi Poséidon
Un bélier, un bouvart, suivis d’un cochon mâle ;
Puis, chez toi revenant, immole en ta maison
Mainte hécatombe aux Dieux qui siègent dans l’air vaste,
Sans en oublier un. Hors des mers, doucement,
La mort t’emportera, tranquille dénouement
D’une longue vieillesse ; autour de ton seuil chaste
Tes peuples floriront. J’ai dit la vérité. »

Tirésias se tait ; je réponds de la sorte :
« C’est donc l’arrêt du ciel que ton savoir m’apporte.
Mais parle derechef avec sincérité.