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Elle de leur montrer le paternel beffroi.
Entrés dans le palais, ils trouvent une femme.
Aussi grande qu’un mont, et sont saisis de peur.
Du Conseil la géante alors mande Antiphate,
Son illustre mari, sanguinaire attrapeur.
Égorgeant l’un des miens, il le cuit à la hâte.
Les deux autres fuyant rejoignent mon bateau.
Mais le roi pousse un cri dans ses quartiers iniques ;
Les nerveux Lestrygons accourent au château,
Par milliers, et pareils aux hordes Titaniques.
Leurs bras lancent des blocs, dépouille des rochers.
Un tumulte soudain règne en chaque navire,
Bruit de ponts entr’ouverts et de râlants nochers.
On perce, on prend mes gens comme poissons à frire.
Pendant cette tuerie aux profondeurs du port,
Tirant de son fourreau mon épée acérée,
Je tranche les funins de ma proue azurée ;
Et j’ordonne aux rameurs, en les stimulant fort,
De presser l’aviron, pour fuir un tel carnage.
Tous travaillent le flot par crainte du trépas.
Sous le pierreux déluge à point mon vaisseau nage ;
Mais les autres en rade avaient tous coulé bas.

Et nous continuons, heureux de vivre encore,
Déplorant toutefois tant de monde laissé.
L’île d’Éa se montre, asile de Circé,
Déesse aux beaux cheveux, à la langue sonore,
Et redoutable sœur d’Éète, roi séant.
Tous les deux sont issus du Soleil porte-flammes,
Pour mère ayant Persa, fille de l’Océan.
En silence on aborde, au ras des faibles lames,
Dans une large baie ; un dieu bon nous conduit.