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Trouvent, après l’orage, un refuge constant ;
Où, devant le beau temple érigé pour Neptune,
S’étend une agora, d’un pavé consistant
(C’est là que l’on façonne et la carène brune,
Et les mâts, les agrès, les avirons polis,
Car nos Phéaciens n’ont ni carquois ni flèches,
N’adorant que la rame et les voilures fraîches
Qui les bercent au loin en de joyeux roulis) ;
Dès lors je crains d’amers propos ; je crains le blâme
Des passants, car toujours le peuple se moqua.
— Quel est cet étranger, nous crîrait quelque infâme,
Ce beau, ce merveilleux, qui suit Nausicaa ?
Où l’a-t-elle pêché ? C’est son mari, je gage,
Peut-être un naufragé qu’elle aura recueilli,
Venant de bords lointains en ce calme parage…
Peut-être encore un dieu, par ses vœux assailli,
Qui lui tombe du ciel pour la choyer sans cesse.
Elle a bien fait de prendre un époux au dehors,
Puisque, n’en doutons pas, l’orgueilleuse princesse
Repousse de nos grands les amoureux efforts. —
Voilà ce qu’on dirait, source d’ignominie !
Moi-même, ouvertement je n’estimerais plus
Celle qui, sans l’aveu de sa famille unie,
Fréquenterait un homme avant les nœuds voulus.
Écoute donc, cher hôte, afin qu’en ta patrie,
Grâce au roi, ton retour soit vite préparé.
Sur la route il existe, avec source et prairie,
Un bois de peupliers à Pallas consacré.
Mon père a là son champ, sa vigne productive,
Éloignés du rempart, l’intervalle d’un cri.
Fais halte dans ce lieu, jusqu’à ce que j’arrive
Au centre de la ville, au paternel abri.