Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

repas des hommes, quand ils ornent les plats d’argile d’assaisonnements de toute sorte. Je n’ai jamais fui non plus la clameur terrible de la guerre, et, me ruant droit dans la bataille, je me suis mêlé aux premiers combattants. Et je ne crains point l’homme, bien qu’il ait un grand corps ; mais, montant sur son lit, je mords le bout de son doigt. Et même une fois, je l’ai saisi au talon, et, quand il eut senti la douleur, aussitôt son doux sommeil fut troublé par ma morsure. À la vérité, je crains deux ennemis sur toute la terre, l’épervier et la belette, qui me causent de grands maux, et aussi la ratière lamentable où veille une destinée pleine de ruses. Mais je crains par-dessus tout la Belette, car elle est de beaucoup la plus forte, et elle entre aussi dans les trous, et elle y furette. Je ne mange ni les radis, ni les choux, ni les citrouilles, et je ne me repais point non plus du vert poireau, ni du persil. Ces choses sont votre nourriture, à vous qui vivez dans les marais.

À ces paroles, Physignathos aux joues enflées, souriant, lui répondit :

— Étranger, tu te glorifies beaucoup de ton ventre ; mais de nombreuses choses admirables à voir sont à nous, dans le marais et sur terre ; car le Kroniôn a donné en partage aux Grenouilles d’être amphibies, de sauter sur la terre et de plonger dans l’eau, et d’habiter des demeures divisées en deux éléments. Si tu veux savoir ces choses, cela est aisé. Monte sur mon dos, mais tiens-toi bien, de peur de périr ; et, de cette façon, tu parviendras, joyeux, dans ma demeure.

Il parla donc ainsi et présenta son dos, et Psikharpax le voleur de miettes monta promptement d’un saut léger, entourant de ses pattes le cou mou. Et, à la vérité, il se réjouit d’abord, quand il contempla les ports voisins, en se délectant de la natation de Physignathos aux joues enflées ; mais quand, enfin, il fut baigné par les eaux pourprées,