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femmes mortelles, et que ma volonté les avait tous domptés. Maintenant, il ne me sera plus permis de leur rappeler cela, puisque moi-même j’ai commis une grande faute, une action mauvaise et intolérable, et que j’ai erré dans mon esprit. Voici que je porte un enfant sous ma ceinture, m’étant unie à un homme mortel. Dès qu’il aura vu la lumière de Hèlios, les Nymphes montagnardes aux larges seins le nourriront, elles qui habitent cette montagne grande et divine et qui n’obéissent, ni aux mortels ni aux Immortels, mais qui vivent longtemps, mangent l’ambroisie et dansent en chœur avec les Immortels. Les Silènes et le vigilant Tueur d’Argos s’unissent à elles, d’amour, au fond des fraîches cavernes. Les sapins et les chênes élevés, nés en même temps qu’elles sur la terre qui nourrit les hommes, croissent, grands, beaux et florissants, sur les hautes montagnes, et les Nymphes les nomment les bois sacrés des Immortels, et jamais les hommes ne les coupent avec le fer. Mais quand la Moire de la mort s’approche d’eux, les beaux arbres se dessèchent d’abord, leur écorce se corrompt et leurs rameaux tombent, et, en même temps, l’âme des Nymphes abandonne la lumière de Hèlios. Elles garderont et nourriront mon fils, et, quand il sera pris par la jeunesse chère à tous, les Déesses te l’amèneront et te montreront ton enfant. Mais, moi-même, afin de me souvenir de tout, je viendrai t’amenant ton fils dans sa cinquième année. Et dès que tu auras vu cette fleur de tes yeux, tu te réjouiras, car il sera semblable aux Dieux. Et tu le conduiras aussitôt à Ilios battue des vents ; et si quelqu’un d’entre les hommes mortels te demandait quelle mère a porté ton cher fils sous sa ceinture, souviens-toi de répondre comme je te l’ordonne. Dis-leur que c’est le fruit d’une Nymphe à la peau fraîche comme la rose, qui habite la montagne couverte de bois. Car, si tu dis la vérité, si tu te vantes comme un insensé de t’être uni d’amour à Kythéréiè à la belle cou-