Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/369

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tête, un casque de peau de chèvre qui rendait son air plus misérable.

Et le patient et divin Odysseus, ayant vu son père accablé de vieillesse et plein d’une grande douleur, versa des larmes, debout sous un haut poirier. Et il hésita dans son esprit et dans son cœur s’il embrasserait son père en lui disant comment il était revenu dans la terre de la patrie, ou s’il l’interrogerait d’abord pour l’éprouver. Et il pensa qu’il était préférable de l’éprouver par des paroles mordantes. Pensant ainsi, le divin Odysseus alla vers lui comme il creusait, la tête baissée, un fossé autour d’un arbre. Alors, le divin Odysseus, s’approchant, lui parla ainsi :

— Ô vieillard, tu n’es point inhabile à cultiver un verger. Tout est ici bien soigné, l’olivier, la vigne, le figuier, le poirier. Aucune portion de terre n’est négligée dans ce verger. Mais je te le dirai, et n’en sois point irrité dans ton âme : tu ne prends point les mêmes soins de toi. Tu subis à la fois la triste vieillesse et les vêtements sales et honteux qui te couvrent. Ton maître ne te néglige point ainsi sans doute à cause de ta paresse, car ton aspect n’est point servile, et par ta beauté et ta majesté tu es semblable à un roi. Tu es tel que ceux qui, après le bain et le repas, dorment sur un lit moelleux, selon la coutume des vieillards. Mais dis-moi la vérité. De qui es-tu le serviteur ? De qui cultives-tu le verger ? Dis-moi la vérité, afin que je la sache : suis-je parvenu à Ithakè, ainsi que me l’a dit un homme que je viens de rencontrer et qui est insensé, car il n’a su ni m’écouter, ni me répondre, quand je lui ai demandé si mon hôte est encore vivant ou s’il est mort et descendu dans les demeures d’Aidès. Mais je te le dis ; écoute et comprends-moi. Je donnai autrefois l’hospitalité, sur la chère terre de la patrie, à un homme qui était venu dans ma demeure, le premier, entre tous les étrangers er-