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PLOTIN — PLOUCQUET

tion du monde est une véritable déchéance, et [illisible] le Démiurge, c’est-à-dire le Dieu qui a créé et qui gouverne le monde, est un être ignorant et imparfait. Plotin réfute cette doctrine comme contraire au platonisme : en établissant que le sujet pensant, l’objet pensé et la pensée elle-même sont identiques dans l’intelligence divine, il paraît s’être inspiré à la fois de Platon et d’Aristote[1]. Le mal qui se trouve dans l’univers, et qui ait[illisible] le point de départ du gnosticisme, il le regarde[illisible] comme nécessaire. « Tous les maux, [illisible], sont utiles à l’univers ; tels sont les animaux venimeux ; mais souvent on ignore à quoi ils servent. La méchanceté même est utile sous beaucoup de rapports, et peut produire de belles es[illisible] ; par exemple elle oblige les hommes à la ence[illisible], et ne laisse personne s’endormir dans une indolente sécurité[2]. » Plotin considère le monde comme un type ou une image dont les formes se renouvellent sans cesse (εἰκὼν ἀεὶ εἰκο[illisible]), formes qui ont pour matrice ou réceptacle la matière (ὑποκείμενόν τι καὶ ὑποδοχὴ εἰδῶν). Il explique la génération des êtres par sorte d’irradiation, et représente le principe de toutes choses comme un foyer de lumière duquel émanent perpétuellement des rayons ma… tant[illisible] sa présence sur tous les points de l’in-[illisible]. Cette lumière c’est l’Intelligence divine ; le r[illisible] dont elle découle, c’est l’Un (τὸ ἕν) qui oie[illisible] sa puissance par la multiplicité des êtres qui lui doivent la vie. Au-dessous de l’intelligence divine est l’âme, qui en dépend, qui subsiste par elle et avec elle. L’âme touche, d’un côté, au soleil intelligible de la divinité, au modèle de la raison (παράδειγμα τοῦ λόγου), et de l’autre, au soleil sensible, au monde. Elle est l’intermédiaire par lequel les êtres matériels d’ici se rattachent aux êtres spirituels, l’interprète (ἑρμηνευτικὴ) des choses qui descendent du monde spirituel dans le monde sensible, ou vont de celui-ci à celui-là. « Les êtres que nous appelons des dieux méritent ce nom parce que jamais ils ne restent attachés à la contemplation de l’intelligence suprême dont l’âme universelle elle-même n’écarte jamais ses regards. Si les âmes humaines se sont précipitées de ces hautes visions, c’est qu’elles ont contemplé leurs images dans la matière comme dans le miroir de Bacchus. Cependant elles ne se sont pas séparées de leur principe divin, en sorte que si les pieds touchent la terre, la tête s’élève au-dessus du ciel. Elles descendent d’autant plus bas, que les soins du corps les absorbent davantage. Mais leur père céleste, ayant pitié d’elles, a fait leurs corps mortels : en les délivrant du corps il les fait revenir dans la région d’où elles étaient descendues[3]. » Ce sont là des idées sur lesquelles Plotin revient souvent : elles forment comme le pivot du néoplatonisme, qui s’était proposé de concilier Platon avec Aristote, mais en inclinant visiblement vers le mysticisme de l’Orient, surtout de la Perse et de l’Égypte.

La première édition du texte grec de Plotin parut à Bâle en 1580, in-fol., avec la traduction latine de Marsile Ficin ; faite d’après quatre manuscrits, elle fut réimprimée en 1615, in-fol., ibid. En 1835 Fr. Creuzer et H. Moser donnèrent une nouvelle édition (texte revu, traduction latine de Ficin, commentaires et index) ; Oxford, 3 vol. in-4o. Elle a été reproduite par M. Dübner, qui y a joint des notes critiques, dans la Bibliothèque gréco-latine de M. A. Didot (Paris, 1855). L’édition la plus récente, donnée par M. Kirchhoff dans la collection Teubner, est très-correcte ; on regrette seulement que l’éditeur y ait substitué l’ordre chronologique à la disposition méthodique, beaucoup plus commode, primitivement établie par Porphyre. Les Ennéades ont été partiellement traduites en anglais par Thomas Taylor, Londres, 1794 et 1817, in-8o, et en allemand (la 1re Ennéade seulement ) par V. Engelhardt, Erlangen, 1820-23, in-8o. La première traduction française complète a été donnée par M. Bouillet (Paris, 3 vol. in-8o, 1857) ; c’est un travail consciencieux, accompagné de notes et d’éclaircissements fort instructifs. F. Hoefer.

Fabricius, Bibliotheca Græca. — Steinhart, dans l’Encyclop. de Pauly. — Winger, Adumbratio decretorum Plotini de rebus ad cloctrinam morum. pertinentibus ; Wittenb., 1809. — Tennemann, Geschichte der Philosophie, t. V. — Vacherot, Hist. de l’école d’Alexandrie. — Kirchner, Die Philosophie des Plotin ; Halle, 1864 ; in-8o. — Daunas, Plotin et sa doctrine ; Paris, 1848, in-8o.

PLOUCQUET (Godefroi), philosophe allemand, né le 25 août 1716, à Stuttgard, où il est mort, le 13 septembre 1790. D’une famille protestante d’origine française, il était fils d’un aubergiste. Comme il étudiait à Tubingue, il se laissa séduire par les écrits de Wolf, à tel point que, sans renoncer absolument à la théologie, il s’appliqua avec ardeur à la philosophie et aux mathématiques. Il manifesta cette double tendance de son esprit dans la thèse qu’il soutint en 1740 (Diss. qua Cl. Varignonii demonstratio geometrica possibilitatis transsub­stantiationis enervatur), et où il essaya de concilier les principes de Wolf avec les enseignements de la religion chrétienne. Après avoir desservi différentes cures et dirigé une éducation particulière, il devint en 1746 diacre à Freudenstadt. Son mémoire sur les monades (Primaria monadologiæ capita ; Berlin, 1748, in-4o) lui ouvrit en 1749 les portes de l’Académie des sciences de Berlin, et attira sur lui l’attention du duc de Wurtemberg, qui lui fit donner, en 1750, la chaire de logique et de métaphysique à Tubingue. Il y professa aussi l’économie politique ; et en 1778 il fut appelé à Stuttgard pour faire un cours à l’École militaire. À la suite d’une attaque d’apoplexie (1782) ses facultés s’affaiblirent, et il fut obligé de quitter l’enseignement ;

  1. IIe Enn., liv. 9.
  2. IIe Enn., liv. 3.
  3. IVe Enn., liv. 3.