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PLOTIN

l’air et le ciel même (1). Que l’âme se représente alors la grande âme, qui de tous côtés déborde dans cette masse immobile, s’y répand, la pénètre intimement et l’illumine comme les rayons du soleil éclairent et dorent un sombre nuage (2). »

L’âme, selon Plotin, ne forme pas avec le corps un véritable composé : elle y est comme la lumière dans l’air, c’est-à-dire passagèrement et sans s’y combiner. Mais elle n’en pénètre pas moins le corps tout entier : c’est par sa puissance ou ses facultés (δύναμεις) qu’elle met enjeu tous les organes et leurs fonctions. Ces facultés de l’âme comprennent la vie végétative, la vie sensitive, la vie intellectuelle et la vie rationnelle. Cette division est parfaitement exacte : aussi s’est-elle conservée jusqu’à nos jours. De ce que « l’amené peut voir et sentir que par l’intermédiaire du corps », Plotin conclut que la connaissance des choses sensibles suppose une homogénéité de rapports, une communauté d’affection (ὁμοπαθεία) entre le sujet et l’objet. Les sens sont chargés d’établir une espèce de contact du monde interne avec le monde externe. Ce n’est qu’après sa séparation du corps que l’âme vit dans le monde intelligible, qui est le lieu de la pensée, « où toutes les vérités sont claires et évidentes ». Par sa contemplation progressive, elle se crée elle-même le théâtre de son action, c’est-à-dire l’espace. L’âme est en rapport avec les trois hypostases ou substances (ὑποστάσεις) divines, l’unité, l’intelligence et l’âme universelle. L’unité constitue le fond même de notre être ; par notre intelligence nous sommes en communication permanente avec l’intelligence divine, qui contient toutes les intelligences particulières, comme l’âme universelle, à laquelle nous participons, renferme toutes les âmes particullères. L’âme humaine est comme une lumière allumée par Dieu et qui rayonne jusqu’à de certaines limites, au delà desquelles commence la nuit. En regardant ces limites, elle leur donne une forme, et se donne ainsi un corps, qui se décompose et rentre dans le réservoir commun de la matière dès que l’âme l’a quitté. C’est dans ces sympathies du corps et de l’âme qu’il faut chercher le pouvoir surnaturel de l’homme et le secret de la magie. « La magie véritable, ajoute Plotin, c’est V Amitié qui règne dans l’univers, avec la Haine, son contraire. Le premier magicien, celui que les hommes consultent pour agir au moyen de ses philtres et de ses enchantements, c’est l’Amour… Par cet art les magiciens rapprochent les natures qui ont un amour inné les unes pour les autres ; ils unissent une âme à une autre âme comme on féconde des plantes éloignées les unes des autres (3). Il y a des invoca-

(I) Saint Augustin a Imité ce passage (Confessiones, IX, 10) : Si cui sileat tumultus carnis, sileant phantasiæ terræ et aquarum, et aeris, sileant et poli, et ipsa sibi anima fileat, etc.

(2) Enn., V, lib. 1.

(3) Plotin fait sans doute ici allusion à la fécondation des palmiers, plantes dioïques, c’est-à-dire dont les deux

tions, des chants, des paroles, des figures, certaines attitudes tristes, certains sons plaintifs ù ont un attrait naturel, et leur influence s’étend à la partie sensible de l’âme ; car la partie rationnelle ou la volonté ne se laisse pas subjuguer par les charmes. La vertu des prières ne repose pas a plus sur ce qu’elles seraient entendues par des êtres qui prennent des déterminations libres ; car ce n’est pas au libre arbitre que s’adressent les vocations. » Cette théorie de la magie est très-remarquable : elle donne à croire que dans les opérations magiques l’homme aliène en quelque sorte son libre arbitre. Seulement il ne faut pas oublier que le mot magie est pris dans un sens plus large par le célèbre commentateur de Platon. Ainsi, « l’influence magique se manifeste dans l’instinct qui nous porte au mariage, dans le soin que nous prenons de nos enfants, et en général dans tout ce que l’attrait de la volupté nous pousse à faire… Chacun est poussé par sa nature, comme par une force occulte, vers le lieu où il doit se rendre (1). » — Quant à la métempsycose, Plotin doute que l’âme humaine puisse passer dans le corps d’une brute ; mais il admet que l’âme p ? ? ? ? complétement dématérialisée, n’a pas besoin de subir d’autres épreuves. « Il ne faut pas, d ? ? ? ? au sujet du suicide, faire sortir par violence l’âme du corps, de peur qu’elle n’emporte avec elle quelque chose de matériel ; car, dans ce cas, cet élément étranger l’accompagnera en quelque endroit qu’elle émigre. Il faut, au contraire, attendre que le corps tout entier se détache naturellement de l’âme ; alors celle-ci n’a plus besoin de passer dans un autre séjour ; elle est complètement délivrée du corps… Enfin, si le rang que l’on obtient là-haut dépend de l’état dans lequel on est en sortant du corps, il ne faut pas s’en séparer quand on peut encore ici faire des progrès (2). »

Plotin a développé les idées astrologiques dont le germe se trouve dans Platon. Tout cet empire, selon lui, à un but unique (σύμπνοια μ ? ? ? ? ?. « De même que dans le corps humain chaque organe a sa fonction propre, de même dans l’univers les êtres ont chacun leur rôle particulier ; d’autant plus qu’ils ne sont pas seulement des parties de l’univers, mais qu’ils forment encore eux-mêmes des univers qui ont aussi leur importance. » Il est impossible de formuler nettement la doctrine du microcosme et du macrocosme. Attaché à ses idées sur l’unité absolue, d’où il faisait dériver la variété infinie des choses, Plotin devait vivement combattre les doctrines des gnostiques. Ces anciens sectaires du christianisme enseignaient, entre autres, que la créa-

sexes sont séparés et portés sur des tiges différent Pl ’ souvent très-éloignées les unes des autres. Les anp eonn.iissaicnt et savaient pratiquer la féconilation a cielle des palmiers (en secouant le pollen des fleurs ji-Ics au-dessus des fleurs femelles ).

(1) IVe Ennéade, liv. 4. C’est dans cette Ennéade que se trouve exposée toute la psychologie de Plotin.

(2) Ire Enn., liv. 9.