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PLOTIN

nité inférieure (la nouvelle lune) : « C’est à ces dieux de venir me chercher, et non pas à moi d’aller les trouver. » — On cite comme un cas de la puissance du démon de Plotin la punition qui fut infligée à un de ses rivaux, nommé Olympius, qui voulait l’ensorceler à l’aide d’opérations magiques. Plotin, s’en étant aperçu, [illisible]ia : « En ce moment, le corps d’Olympius éprouve des convulsions et se resserre comme une bourse. « Olympius cessa ses maléfices en [illisible]ant les maux mêmes qu’il voulait faire [illisible]souffrir à son adversaire. Au rapport de Porphyre, Plotin avait aussi la faculté de découvrir les objets volés et de prévoir ce que chacun de ses compagnons deviendrait un jour. Quoi qu’il en soit, les disciples ont certainement examiné ou mal interprété les doctrines du maître concernant le démon ou le génie familier. Car ce que Plotin a lui-même enseigné : « Qu’est le démon ? C’est une des puissances de notre âme. Qu’est notre Dieu ? C’est également une des puissances de notre âme… Est-ce là le démon [illisible]auquel nous sommes échus pendant notre vie [illisible] notre démon est la puissance immédiatement supérieure à celle que nous exerçons ; car elle préside à notre vie sans agir elle-même. La puissance qui agit en nous est la puissance iu [illisible]ire à celle qui préside à notre vie, et c’est ce qui nous constitue essentiellement. Si nous [illisible]s de la vie sensitive, nous avons pour [illisible]n la raison ; si nous vivons de la vie rationnelle, nous avons pour démon le principe inférieur à la raison, principe qui préside à la vie, mais n’agit pas lui-même et laisse [illisible] la puissance[1]. » Ainsi, dans le sens de [illisible]n, le démon familier, « que chacun se [illisible]sit soi-même suivant son genre de vie », n’est pas un être distinct de l’homme, mais une sorte d’indépendance ou de continuité de l’âme[2].

L’empereur Gallien et l’impératrice Salonine, sa femme, eurent Plotin en grande estime. C’est ce qui avait engagé le philosophe à les prier de rebâtir une ville de Campanie en ruines, de lui donner avec son territoire et de permettre à ceux qui viendraient l’habiter d’être régis par les lois de Platon. Cette ville devait avoir le nom de Platonopolis. Mais la réalisation de ce projet fut, dit-on, empêchée par les courtisans de l’empereur. Pendant son enseignement [illisible]me, plusieurs sénateurs venaient l’écouter. Parmi ces derniers on cite un certain Rogatianus, qui pour mieux se détacher de la vie selon les adeptes du maître, avait abandonné ses biens, renvoyé ses domestiques et renoncé à ses dignités. Plotin avait beaucoup d’éloquence naturelle. « Il parlait, dit Porphyre, fort bien dans ses conférences ; il savait trouver sur-le-champ les réponses qui convenaient. Cependant son langage n’était pas correct : il disait, par exemple, ἀναμνημίσκεται au lieu de ἀναμιμνήσκτεται ; il commettait les mêmes fautes en écrivant. Mais, lorsqu’il parlait, son intelligence semblait briller sur son visage et l’illuminer de ses rayons. Il était surtout beau quand il discutait : on voyait alors comme une légère rosée couler de son front ; la douceur brillait sur sa face, et il répondait avec bonté… Il ne retouchait jamais ce qu’il avait écrit, parce que la faiblesse de sa vue lui rendait toute lecture fort pénible. Le caractère de son écriture n’était pas beau ; il ne séparait pas les mots et faisait très-peu d’attention à l’orthographe : il n’était occupé que de ses idées. Lorsqu’il avait fini de composer quelque chose dans sa tête, et qu’ensuite il écrivait ce qu’il avait conçu, il semblait qu’il copiât un livre… Il ne se reposait jamais de cette attention intérieure ; elle cessait à peine durant un sommeil troublé souvent par l’insuffisance de la nourriture et par cette concentration perpétuelle de l’esprit. » Eustochius recueillit les dernières paroles de Plotin qui était venu mourir dans le domaine de Zéthus, un de ses anciens amis. Plotin lui dit en expirant : « Je vais apporter ce qu’il y a de divin en nous à ce qu’il y a de divin dans l’univers. « Ces paroles résument en quelque sorte tout son système philosophique.

Les écrits de Plotin furent recueillis par Porphyre, qui les a distribués en six parties, appelées Ennéades (Neuvaines), parce qu’elles comprennent chacune neuf (ἐννέα) livres. Cet ouvrage, joint à ce qui nous reste d’Aristote et de Platon, forme le principal monument de la philosophie antique. Le système de Plotin se propose de ramener le subjectif et l’objectif à l’identité qui elle-même a pour base l’unité absolue. Cette unité ne peut pas être saisie par la pensée, mais par l’intuition immédiate, παρουσία. Le but de la philosophie était donc, suivant Plotin, l’union immédiate de l’âme avec Dieu. « Si l’âme, dit-il, est étrangère aux choses divines, pourquoi tenter d’en pénétrer la nature ? Si, au contraire, elle a une étroite affinité avec elles, elle peut et doit chercher à les connaître. » Pour arriver à cette connaissance, toute âme doit d’abord considérer que « c’est l’âme universelle qui a produit, en leur soufflant un esprit de vie, tout ce qui est sur la terre et au ciel. Pour comprendre comment la vie s’est à la fois répandue dans l’univers et dans chaque être vivant, « il faut que notre âme contemple l’âme universelle, et pour y arriver elle doit être affranchie de l’erreur, et, plongée dans un profond recueillement, faire taire l’agitation du corps, le tumulte des sensations et tout ce qui l’entoure. Que tout se taise donc, et la terre et la mer, et

  1. IIIe Ennéade, liv. 4 (trad. de M. Bouillet).
  2. Cependant, dans un autre passage (IVe Ennéade, [illisible], l’auteur semble revenir sur cette opinion, quand il dit que les démons sont les instruments de l’âme universelle, et qu’ils sont susceptibles d’être amenés à certains actes et d’entendre les vœux qu’on leur adresse. Les démons soumis à cette influence sont ceux qui se rapprochent des hommes, et ils y sont d’autant plus soumis qu’ils s’en rapprochent davantage.