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PLATNER — PLATON

enseignement, pendant lesquels il composa la plupart de ses écrits, il se rendit, sur les instances de Dion, à Syracuse. Denys le jeune y avait succédé à son père, et choisi l’ami de Platon pour son principal conseiller. Il fallait que son amitié pour Dion fût bien vive pour que le grand philosophe pût se décider à abandonner l’école, qu’il confia aux soins d’Héraclide de Pont, et consentir à retourner dans la ville d’un tyran qui lui rappelait un si indigne traitement. Platon avait amené avec lui Speusippe, fils de sa sœur[1]. Tout allait d’abord à souhait : Denys suivait, comme un fils soumis, les préceptes du philosophe et les conseils de Dion : il se montrait en public sans garde, écoutait avec bienveillance les plaintes de ses sujets, et rendait la justice à la satisfaction de tous. Mais l’envie, armée de la calomnie, fit peu à peu perdre à l’ami de Platon tout son crédit à la cour. Dion fut exilé par un ordre du tyran, son beau-frère, et Platon, malgré les séductions dont on l’entourait pour le retenir à Syracuse, partit pour Athènes (365 avant J.-C), où il arriva après deux ans de séjour en Sicile. Cependant Denys renouvela ses tentatives pour attirer encore auprès de lui Platon : il lui déléga plusieurs de ses amis, entre autres Archytas de Tarente, et promit de faire cesser l’exil de Dion. Cette promesse détermina Platon, puisque octogénaire, à s’embarquer une troisième fois pour Syracuse. Mais le tyran manqua à sa parole : il ne rappela point Dion et ne changea en rien sa conduite et son gouvernement ; ce n’est à grand’peine que Platon parvint à se soustraire à la perfidie de Denys, en se rembarquant pour sa patrie (360 avant J.-C.), qu’il ne devait plus quitter. Il allait mettre la dernière main au Traité des lois lorsqu’il s’éteignit, à l’âge de quatre-vingt-un ans.

L’édition princeps des œuvres de Platon paraît (in-fol.) en 1513, à Venise, chez Alde Manuce, qui avait chargé Musurus de Crète d’en surveiller l’impression. L’édition Valdériane de Bâle (1534, in-fol.), avec une préface d’Oporin et de Grynæus, est, en grande partie, une simple production de l’Aldine ; celle de Hopper (Bâle, 1556, in-fol.) est collationnée sur plusieurs manuscrits et estimée. L’édition stéphanienne (Paris, 1578, 3 vol. in-fol.), avec la traduction latine de Terranus et des notes critiques de H. Estienne, de Cornarius, etc., a été réimprimée à Lyon, 1590, in-fol., et à Francfort, 1602, in-fol. avec traduction latine de Ficin, qui se trouve aussi, mais plus correcte, dans l’édition bipontine, 1781-1787, XI vol. in-8o ; le texte est celui de H. Estienne, avec de faibles modifications. Bekker donna (Leipzig, 1821-1826, 12 vol. in-8o), le texte grec, soigneusement revu sur un grand nombre de manuscrits, avec des commentaires, des variantes, et la traduction latine de Cornarius. Cette édition fut surpassée par celle d’Ast qui a pour titre : Platonis quæ extant opera. Accedant Platonis quæ feruntur scripta ; ad optimorum librorum fidem recensuit, in linguam latinam convertit, annotationibus explanavit, indicesque rerum ac verborum accuratissimos adjecit. vol. I-XI ; Leipzig, 1819-1832, in-8o. La nouvelle traduction latine est excellente. Il faut y joindre le Lexicon Platonicum d’Ast (Leipzig, 1835-1838, 3 vol. in-8o). L’édition de Q. Beiter, Orelli et A.-Q. Winckelmann (Platonis quæ feruntur opera omnia ; Zurich, 1839, in-4o) est également estimée, ainsi que celle que E.-Ch. Schneider et Hirschig ont donnée dans la Bibliothèque gréco-latine d’A. Firmin Didot (Paris, 1846 et 1856). L’édition Teubnérienne, publiée par les soins de C.-F. Hermann (Leipz., 1851-1853, 6 vol. in-8o) est très-correcte. Mais la meilleure édition est celle que Stallbaum a publiée dans la Bibliotheca Græca de Rost et Jacobs (Gotha, 1858). Elle contient de nombreuses annotations critiques, historiques, philosophiques, etc. Parmi les traductions en langues modernes, nous citerons la traduction allemande de Schleiermacher, et les traductions françaises de Grou et de V. Cousin.

Il importe bien moins de déterminer, comme on l’a essayé[2], l’ordre dans lequel les écrits


    que ceux qui soupent chez Platon se trouvent parfaitement le lendemain ». (Deipnosophistes, liv. X.)

  1. C’est sans doute ce Speusippe que Platon chargea un jour de châtier un de ses esclaves contre lequel il était fort irrité (Sénèque). De ira, III, 12. Le même trait est rapporté aussi d’Archytas de Tarente, disant à son intendant qui avait mal géré sa maison : « Va ; je t’étrillerais bien si je n’étais pas en colère. » (Cic., Quæst. tusc., IV, 86.)
  2. L’œuvre composée de tout renseignement de Socrate comprend les treize Dialogues intitulés : Ion, Alcibiade I, Hippias I, Hippias II, Lysis, Charmide, Lachès, Ménon, Protagoras, Eutyphron, l’Apologie de Socrate, Criton et Gorgias : ce sont les Dialogues socratiques ou moraux ; leur forme littéraire rappelle la pureté et la simplicité du style de Xénophon. Les dialogues composés après la mort de Socrate, dans l’Intervalle compris entre le premier et le second voyage en Sicile, sont, d’après Stallbaum, l’Euthydème, le Cratyle, le Théétète, le Sophiste, le Politique, le Parménide, le Phèdre, le Ménexène, le Banquet, le Phédon, le Philèbe, la République, le Timée et le Critias. On y reconnaît l’influence de l’école de Mégare et des doctrines de Pythagore.

    Les Lois forment la troisième et dernière classe des écrits de Platon : c’est l’œuvre de la vieillesse du philosophe. Quant aux autres dialogues qu’on lui attribue, sous les titres de : Alcibiade II, Théagès, les Amants, Hipparque, Minos, Clitophon, Eryxia. Ils sont apocryphes, comme l’ont depuis longtemps démontré Meiners, Tennemann, Bœckh, Ast, Schleiermacher, etc. Dans les premières éditions de Platon, on trouve ses écrits classés, d’après le système de Thrasylle, en tétralogies, dont la première contenait l’Eutyphron, l’Apologie de Socrate, le Criton, le Phédon ; la seconde, le Cratyle, le Théétète, le Sophiste, le Politique ; la troisième, le Parménide, le Philèbe, le Banquet, le Phédon ; La quatrième, les deux Alcibiade, Hipparque, les Rivaux ; la cinquième, le Théagis, le Charmide, le Lachès, le Lysis ; la sixième, l’Euthydème, le Protagoras, le Gorgias, le Ménon ; la septième, les deux Hippias, l’Ion, le Ménexène ; la huitième, le Clitophon, la République ou Politique, le Timée, le Critias ; la neuvième et dernière, Minos, les Lois et treize Lettres. Cette classification, caprice d’un grammairien, rejetée par l’antiquité, n’a été adoptée que par un éditeur moderne (C.-K. Hermann). De nos jours, Tenneman, Schleiermacher, Ast, Socher ont pro-