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chapper avec son frère Isaac, joignit son armée qui l’adorait, et fut proclamé empereur. Il s’empara de Constantinople, qu’il laissa piller par ses soldats. Quant à Nicéphore, on l’enferma dans un monastère.

Alexis trouva l’empire dans un état déplorable. Les Turcomans avaient profité de tous ces déchirements intérieurs pour s’emparer des provinces asiatiques. D’un autre côté, Robert Guiscard, que ses succès brillants en Italie ne satisfaisaient pas, et qui ambitionnait la pourpre, s’était avancé déjà jusqu’à Durazzo en Épire. Alexis, au moyen d’intrigues diplomatiques trèshabilement conduites, sut faire face à ces attaques simultanées. Il conclut la paix avec les Turcomans en leur abandonnant ce qu’ils avaient déjà conquis ; ils devinrent même ses auxiliaires. Il fit alliance avec la république de Venise et avec Henri IV, empereur d’Allemagne, et alla jusqu’à mettre dans ses intérêts les pauliniens, secte d’hérétiques. Les spoliations des églises, les exactions, lui fournirent l’argent avec lequel il leva une armée de 70,000 hommes, et marcha à la délivrance de Durazzo. Les Normands n’avaient que 15,000 hoiïunes à lui opposer. La bataille se livra le 18 octobre 1081 ; des deux côtés l’acharnement était égal ; et on voyait Gaita, la femme de Robert Guiscard, combattre dans les rangs. Les Grecs furent défaits, et Robert s’avança triomphalement jusqu’à Thessalonique. Pour surcroît de malheur, les Turcomans avaient repris l’offensive. Alexis ne désespéra pas ; il envoya à Henri IV, qui était alors en guerre ouverte avec le pape Grégoire VII, l’argent nécessaire pour attaquer Rome. Le pape fut chassé ; et au moyen de cette diversion Robert Guiscard se trouva forcé de voler au secours du souverain pontife, son allié ; il laissa en Grèce son fils Bohémond, qui gagna encore deux victoires sur Alexis ; mais la famine et les maladies dégoûtèrent l’armée normande. Robert ne put la rejoindre, étant retenu en Italie par une révolte de ses vassaux ; de sorte qu’Alexis se vit débarrassé pour le moment de cet ennemi dangereux. Mais en 1084 Robert revint à la charge ; après trois rencontres il dispersa la flotte unie des Vénitiens et des Grecs, et débarqua en Épire. Il s’était déjà de nouveau emparé de la Macédoine, lorsqu’il succomba à une maladie épidémique ; quelques-uns attribuèrent sa mort au poison qu’Alexis lui aurait fait donner.

À la suite de cet événement les Normands abandonnèrent toutes leurs conquêtes, et Alexis eut ainsi plus de loisir pour repousser les envahissements des Turcomans. Grâce à sa marine, il put lutter contre eux, quoique avec un succès douteux, jusqu’en 1095. Mais dans cette année les Turcomans se servirent de quelques prisonniers grecs, pour construire une flotte qui s’approcha de Constantinople. Alexis, malgré son génie inventif, se vit au bout de ses ressources ; il demanda des secours à l’Occident, s’adressant à toute la chrétienté, qui se trouvait menacée

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dans son existence par ce nouveau débordement de barbares. La prise de Jérusalem par les musulmans, les prédications de Pierre l’Ermite, l’activité du pape Urbain II, provoquèrent les princes chrétiens à se réunir d’abord à Plaisance. Les ambassadeurs d’Alexis s’y rendirent, et leur récit fit décider la première croisade.

Cependant Alexis, qui n’avait pu se résoudre à appeler chez lui les étrangers qu’à la dernière extrémité, adopta comme plan de conduite un système de ruse et de temporisation qui retarda le succès de l’expédition, et vint échouer en partie contre le caractère franc et irascible de ses nouveaux alliés.

Les premières bandes des croisés qui arrivèrent en 1096 à Constantinople, après avoir tout saccagé sur leur passage, étaient bien à même d’exciter la défiance d’Alexis. Il les fit passer à la hâte en Asie,, où les Turcomans eurent peu de peine à les anéantir. Ensuite arriva Hugues, comte de Vermandois, frère de Philippe Ier, roi de France : l’empereur le fit garder comme otage, et indisposa par cela violemment Godefroi de Bouillon et toute l’armée des croisés, qui survint peu après. Alexis les apaisa une première fois ; mais lorsque les provisions qu’il leur devait faire distribuer en quantité vinrent à manquer, l’indignation devint générale, et l’empereur fut obligé de leur faire entrevoir l’unportance de ses forces militaires, tout en allant au-devant de leurs réclamations, pour sauver sa capitale. Ils campèrent pendant l’hiver aux environs de Constantinople. Au printemps de l’année 1097, une partie des croisés passa le Bosphore sur les vaisseaux d’Alexis, qui, s’éloignant, coupèrent l’armée en deux. C’est alors que l’empereur insista sur ce que les chefs de la croisade jurassent de lui rendre ses anciennes possessions en Asie, et de lui faire hommage comme à leur suzerain pour ce qu’ils pourraient conquérir au delà des limites indiquées. Ils acceptèrent, excepté Bohémond, fils de Robert Guiscard. Mais Alexis, en le flattant adroitement sur ses talents militaires, et lui montrant des monceaux d’or et d’argent, parvint à vaincre la fierté de son ancien ennemi. Tancrède aussi ne consentit qu’à regret à faire cette promesse ; il passa même en Asie pour se soustraire à la cérémonie publique de l’hommage, ne voulant pas, comme Robert, comte de Paris, insulter devant tout le monde la majesté impériale. Ce fait a servi de thème à un roman de Walter Scott.

Avant le départ des croisés, Alexis adopta Godefroi de Bouillon : il avait eu beaucoup à se louer de ce modèle des héros, qui avait empêché plusieurs fois Raymond de Toulouse et Bohémond de s’emparer de Constantinople. Cependant la bonne harmonie fut loin encore de se rétablir. Alexis, qui pendant le siège de Nicée (mai et juin 1097) avait bien secondé les croisés, négocia avec les assiégés pour qu’ils se rendissent à lui ; et depuis il sépara complètement sa cause