Page:Hoefer - Biographie, Tome 1.djvu/177

Cette page n’a pas encore été corrigée

nous apprend que les cendres de ce gi-ând capitaine avaient été rapportées par Comélie dans sa villa d’Albe, mais un magnifique cénotaphe. La brillante école d’Alexandrie devait attirer et retenir un prince qui se piquait de philosophie, •d’astronomie, de mathématiques : il a retracé’ lui-même, dans une lettre parvenue jusqu’à nous, son jugement sur les Alexandrins et le récit de ce qu’il fit pour eux. « J’ai étudié avec soin, écrivait-il à Servien son beau-frère, ce peuple inconstant et léger qui cède à la moindre impulsion. Ceux qui adorent Sérapis n’en sont pas moins chrétiens, et ceux qui se disent chrétiens adorent Sérapis. Pas de rabbin juif, de pontife samaritain ou de xïrêtre chrétien qui ne soit mathématicien , aruspice ou charlatan. Le patriarche lui-même, quand il arrive, est forcé par les uns d’adorer le Christ, et par les autres Sérapis. Population séditieuse, vaniteuse, sans probité ; ville opulente, féconde, industrieuse, où personne n’est oisif. Lesuns soufflent leverre, lesautres fabriquent du papier, d’autres tissent le lin. Les aveugles y exercent un métier, les goutteux y travaillent. Juifs et chrétiens n’y reconnaissent qu’un seul Dieu , auquel ils adressent tous leurs hommages. Plût au ciel toutefois qu’une si belle cité, la première dé l’Egypte, eût de meilleures mœurs ! Je l’ai comblée de bienfaits, je lui ai rendu ses anciens privilèges, je lui en ai accordé de nouveaux : ce pendant, à peine étais-je éloigné qu’ils ont prodigué l’outrage à mon fils Vérus ; et vous savez, jeponse, tout ce qu’ils ontdébité sur AntinoiJs(l). » Le reproche d’immoralité adressé aux Alexandrins à propos de leur opinion sur Antinoiis doit sembler fort étrange, et ce reproche, au contraire, les sauve quelque peu de la honte d’avoir admis aussi facilement dans leur Olympe vu dieu de si étrangefabrique. Ce fut pendant le voyage d’Adrien vers la haute Egypte (2) qu’il perdit son favori, soit qu’Antinoiis se soit noyé par accident dans les eaux du Nil, soit, comme le pense Dion (3) , qu’il ait été immolé dans quelque affreuse opération magique à l’aide de laquelle l’empereur voulait pénétre ! l’avenir. En tous cas, regrets ou (i) Voyez Phipgontis Tralliani fragmenta, dans les Fragments des historiens grées, publiés par M. A. — F. Didot, t. Ul, p. 624. (2) Adrien remonta alors le Nil jusqu’à Thebes, et voulut visiter, en compagnie de Sabine, la statue de Memnon. Plusieurs inscriptions rapportées par M. Letronne prouvent ce fait. Nous « itérons celle que le savant archéologue a traduite ainsi : " Vers « de Julia Balbilla, lorsque l’auguste Adrien entendit Mem « non:J’avais appris que l’Egyptien Memnon, échauffé par les « rayons du soleil, faisait entendre une voix sortie de la pierre « tbébaine. Ayant aperçu Adrien, le roi du monde, avant le « lever du soleil, il lui dit bonjour comme il pouvait le faire; « mais lorsque le Titan, traversant les airs avec ses blancs « coursiers, occupait la seconde mesure des heures, Memnon « rendit de nouveau un son aigu comme celui d’un instrument n de cuivre, et, plein de joie, il rendit pour la troisième fois >< un son, L’empereur Adrien salua Memnon autant de fois, et « Balbilla a écrit ces vers, qui montrent tout ce qu’elle a vu K distinctement et entendu. i> Une autre inscription de la même Balbilla, qui contient quatorze vers, se termine ainsi:» La « pierre ayant rendu un son, moi, Balbilla, j’ai entendu la

  • ( voix divine de Memnon. J’étais accompagnée de cette aimable

« r.inc Sabine. Le soleil tenait le cours de la première heure, « la quinzième année de l’empereur Adrien ; Athyr était à son V vinyt-quatrième jour. > » Champollion a retrouvé le nom d’Ariri(-n sur plusieurs temples â Denderah, à Esneli, à MedinetADRIEN 322 remords, la douleur d’Adrien fut immense, et les témoignages en sont parvenus jusqu’à nous. Nonseulement on voit encore en Egypte les ruines d’Antinopolis, mais nos musées, nos collections comptent un grand nombre de statues, de bustes d’Antinoiis, ou de monnaies frappées en son honneur. Les poètes le chantèrent, les astronomes découvrirent son étoile ; il y eut des temples, des jeux, des mystères consacrés à sa mémoire; des prêtres qui lui prostituèrent leur encens. On ne pouvait infliger au monde païen une plus cruelle satire du polythéisme. De l’Egypte Adrien revint encore à Athènes, où il assista une seconde fois à la célébration du mystère de la grande déesse. Pendant les derniers temps de son séjour en Orient, les Alains furent repoussés de la Cappadoce par Arrien, gouverneur de cette province, le même qui accomplit le périple du Pont-Euxin, dont la relation nous a été conservée. C’est vers la même époque que se terminait la guerre des Juifs, guerre terrible, implacable, dans laquelle cinq cent niillc Juifs périrent par le fer, tandis que les légions romaines firent des pertes si considérables, qu’en écrivant an sénat la nouvelle de la victoire, Adrien n’osa pas commencer sa lettre par la formule ordinaire: « Si vos liberique vestri valetis, bene est; ego quidem et exercitus valemus (1). » Les causes de la guerre remontaient à plusieurs années en arrière. Dès son premier voyage en Palestine, Adrien, à la vue de Jérusalem renversée par Titus, avait résolu de la relever de ses ruines, ou, pour mieux dire, de construire à sa place une ville nouvelle à laquelle il donna son nom. Bientôt des colons, appelés par ses soins, vinrent habiter la nouvelle j£lia Capitolina, où des temples à Jupiter, des statues à Vénus remplaçaient les autels du vrai Dieu. Quoique si rudement châtiés de leurs précédentes révoltes, les Juifs ne supportèrent pas cette profanation de la cité saint* : ils se levèrent en masse, et tel fut l’enseinble de leurs mouvements, l’imprévu de leur attaque, qu’ils battirent plusieurs fois les Romains, et furent sur le point de reconquérir leur indépendance. Il fallut envoyei sur les lieux des armées nouvelles, et rappeler du fond de la Bretagne, où il commandait, l’un des meilleurs généraux de l’époque, Julius Sévérus, dont la présence et les talents changèrent le sort des combats. Évitant une action générale dont l’ardeur des assaillants lui faisait redouter l’issue, il leur fit une guerre d’embuscade, les sépara les uns des autres, les attaqua par détachements, les enferma dans leurs forteresses, et leur coupa toute communication. Cinquante châteaux forts et neuf cent quatre-vingtcinq bourgs furent renversés de fond en comble. La Judée fut chr.ngée en solitude, et sur la porte d’vElia Capitolina on sculpta un pourceau pour en repousser les Juifs, réduits à venir de loin contempler cette Sion, pour laquelle leur amour Al.r I--] Lib. LXIX, c. II. NOL’V. BIOGR. (I) Dio, I.XIX, Jîrv. tPJIVERS, — T. I. Il