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fit élever à Nîmes une vaste basilique eu l’honneur de Plotine ; il est même probable qu’il fit alors jeter les fondements des Arènes et de l’aqueduc connu sous le nom de pont du Gard, achevés plus tard par Antonin ([1]). De la Gaule Narbonnaise il se rendit à Tarracone, où il passa l’hiver, et y rétablit à ses frais le temple d’Auguste. Dès cette époque il était accompagné dans ses voyages d’une légion d’architectes, d’ingénieurs, de constructeurs, d’ouvriers de toutes sortes ; et nous donnons au mot légion, d’après l’autorité d’Aurélius Victor ([2]), le sens absolu qu’il avait chez les Romains, c’est-à-dire que nous parlons d’un corps régulier divisé par cohortes, et soumis à la discipline militaire. Ce fut pendant son séjour à Tarracone que l’empereur convoqua en assemblée générale les délégués de toutes les villes espagnoles : il s’agissait de régler une fois pour toutes le service du recrutement, auquel cherchait à échapper un grand nombre de familles, sous le prétexte d’origine étrangère, tandis que beaucoup d’autres le repoussaient violemment. Par son adresse, par la persuasion, par une politique adroite, Adrien triompha de ces répugnances ; on se soumit ; mais nous ne savons si un fait cité par Spartien ([3]) ne prouve pas que les ressentiments n’étaient pas éteints. Le prince se promenant un jour dans des jardins aux environs de la ville, un esclave de son hôte se jeta sur lui, l’épée à la main. Adrien eut assez de sang-froid pour le désarmer, et, ne voulant voir dans ce fait qu’un acte de folie, fit remettre le coupable entre les mains de médecins chargés de le guérir. Il est à croire que de l’Espagne l’empereur s’embarqua pour la Mauritanie, où des troubles venaient d’éclater. Sa présence les apaisa, et il profita de son séjour pour embellir Carthage, à laquelle il ajouta un quartier nouveau, qui prit son nom. L’inscription d’une borne milliaire trouvée dans les environs de cette ville prouve qu’il fit aussi construire par la troisième légion une route de Carthage à Théveste ([4]) ; d’où nous pouvons conclure, ainsi que de la grande muraille des Bretons, qu’il avait pour système de ne pas laisser ses troupes oisives dans les garnisons, et de les employer à de grands travaux d’utilité publique ([5]). Que de l’Afrique Adrien soit revenu


à Rome, on peut le conjecturer d’après une médaille qui semble indiquer qu’en l’an 874 de Rome il y célébra par des jeux l’anniversaire de la fondation de la ville ; et une inscription de la même date, qui lui attribue le rétablissement de l’enceinte du Pomœrium, confirme cette conjecture ([6]). Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’y fit point un long séjour, et qu’on le retrouve en Orient vers la fin de cette année. Là, ayant cimenté par une entrevue avec le roi des Parthes la paix qui semblait prête à être rompue, il ne s’occupa plus qu’à embellir plusieurs villes de l’Asie Mineure. Cizyque, entièrement rétablie par ses soins, et dotée d’un des temples les plus magnifiques de ces contrées si riches en monuments, ajouta, dans sa reconnaissance, le nom de ce prince au sien, et célébra en son honneur les jeux Hadrianiens olympiques, comme nous l’apprennent plusieurs inscriptions. Nicée, Nicomédie, ne furent pas traitées moins favorablement. Éphèse eut un temple élevé à la Fortune de Rome, temple où les étrangers ainsi que les citoyens romains allaient célébrer les Parilies. Se rappelant que c’était à Antioche qu’il avait reçu la nouvelle de son élévation à l’empire, il la traita encore plus magnifiquement que les autres cités, bien qu’il n’en aimât pas les habitants : il y fit construire, nous dit Malala ([7]), un bain puhlic, un aqueduc qui portait son nom, un théâtre ; au moyen d’une forte digue, il détourna les eaux qui se répandaient dans des ravins et étaient perdues pour la ville ; cette digue les contenait, malgré leur violence, et les conduisait auprès du théâtre, d’où elles se répandaient dans tous les quartiers. Il fit également construire près des sources de Daphné un temple consacré aux nymphes, où ces sources formaient cinq fontaines jaillissantes. Enfin, il n’y eut pas jusqu’à la ville de Palmyre qui, malgré sa ceinture de déserts, ne fût embellie par ses soins ([8]). Il nous faut donc supposer que les sixième, septième et huitième années du règne d’Adrien furent employées par lui à ses voyages en Cilicie, en Lycie, en Pamphilie, en Phrygie, en Bithynie, en Cappadoce ; nous voyons même par le Périple d’Arrien qu’il alla jusqu’à Trébisonde. En l’an de J.-C. 125, huitième année de son règne, il reprenait la route d’Europe, et passait l’hiver à Athènes : c’était encore la ville littéraire par excellence. Hérode Atticus n’épargnait aucun soin pour y attirer les hommes célèbres, pour y encourager la philosophie et les arts ; on allait y étudier l’éloquence, comme on étudiait les sciences à Alexandrie. Adrien devait se plaire au milieu de cette société d’élite, où ses talents lui auraient, en tout cas, valu un accueil (Voyez Bernardi et Smith, Inscr.gr, Palmyren., III, p. 2.)

  1. (1) D’après une inscription fragmentée trouvée à Riez, dans les basses Alpes, Adrien y avait ouvert une route pavée : imp. cæsare. tra. hadriano. avg. via. silice. str. (Voy. Millin, Voyage dans le midi de la France, t. iii, p. 52.
  2. (2) Epit., c. xiv.
  3. (3) Chap. xi.
  4. (4) Voyez Donati, p. 214, 7, et Orelli, 3564. Cette inscription, placée lorsque la route fut achevée, indique la septième année de la puissance tribunitienne, c’est-à-dire de J.-C. 123.
  5. (5) Deux inscriptions rapportées par Smetius (lxix, 6 et 13) et Gruter (ccclxiii, 3, et ccclxiv, 1) prouvent que les villes de Thena dans la Byzacène, et de Zama dans la Numidie, portaient chacune le surnom de Colonia Ætia Hadriana, probablement à cause des grands travaux que ce prince y avait fait exécuter. Une autre inscription nouvellement découverte en Afrique relate les travaux entrepris a la même époque sur la voie qui de Cirta conduisait à Rusicada : {{{1}}}
  6. (1) Voyez Gruter, 198, i, et Orelli. 811.
  7. (2) Malal., Chron., p. 362.
  8. (3) Une inscription prouve le voyage d’Adrien à Palmyre, en mentionnant un personnage qui remplissait pour la seconde fois les fonctions de greffier lors de l’arrivée d’Adrien dans le pays : IPAMMATEA. TENOMENON. TO. AEVTKPON, EHIAHMIA. GEOr. AAPIANOV.