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nation[1]. Par les continuels changements[2] du corps [humain] se détruisent en effet au cours du temps les parties qui avaient été mises en mouvement dans la Sensation, de sorte que l’éloignement dans le temps et l’éloignement dans l’espace ont sur nous le même effet. De même qu’à une grande distance ce que nous regardons nous apparaît vague et indistinct dans les détails, que les Voix s’affaiblissent et deviennent inarticulées, de même, après un long laps de temps, notre imagination du Passé s’affaiblit ; il nous échappe (par exemple) des Villes que nous avons vues beaucoup de Rues particulières et des Actions auxquelles nous avons assisté beaucoup de Circonstances. — La Mémoire. — Cette sensation décroissante[3]), quand nous voulons exprimer la chose elle-même (je veux dire le fantôme lui-même), nous l’appelons Imagination, comme j’ai dit plus haut ; mais, quand nous voulons exprimer la décroissance [et signifier par là que la sensation se fane, vieillit et passe], nous l’appelons Mémoire. Ainsi, l’Imagination et la Mémoire ne sont qu’une seule et même chose qui, suivant les différents points de vue considérés, prend différents noms.

[Beaucoup de mémoire ou] la mémoire de beaucoup de choses s’appelle Expérience. Mais, il ne peut y avoir Imagination que des choses qui ont été antérieurement perçues par les Sens, soit dans leur ensemble, soit par parties [, à différents moments]. Dans le premier cas (celui dans lequel on imagine l’objet dans son ensemble

  1. Addition du texte latin : « ou le fantôme ».
  2. Addition du texte latin : « des organes ».
  3. Le latin dit : « Cette dilution de la sensation (Sensionis dilutionem)  ».