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désir de la retraite, il fut mêlé à tous les grands événements contemporains et il fut l’oracle de son siècle. « On avait une si haute idée de sa science et de sa piété, dit un de ses biographes, que les princes le faisaient juge de leurs différends. Les évêques recevaient ses décisions avec respect et lui envoyaient les plus importantes affaires de leurs diocèses. Les papes s’empressaient de le consulter, regardant ses avis comme des lois. Les peuples partageaient ces sentiments de confiance en ses lumières et de vénération pour sa personne. Enfin, on peut dire que, du fond de sa solitude, il gouvernait toutes les églises de l’0ccident. »

Cependant, sa mission politique et religieuse ne s’accomplissait point sans qu’il fut souvent tiré de sa retraite. Appelé par Dieu à diriger son Église pendant les luttes douloureuses qu’elle eut à soutenir au xiie siècle contre la puissance civile et contre sa propre anarchie, manifestée surtout par le schisme, Bernard préside des conciles, se rend auprès des deux grands souverains du moyen-âge, le pape et l’empereur, et parvient à les réconcilier ; il vole de France en Italie, d’Italie en Allemagne, partout, en un mot, où la cause de l’Église le réclame. Après avoir été l’oracle du concile de Pise, après avoir rallié Milan et les autres villes de la Lombardie à Innocent Il, il regagne, au printemps de 1135, sa chère cellule abandonnée depuis plusieurs années.

Son voyage à travers le nord de l’Italie, la Suisse et la France ressemblait à une pompe royale. En Suisse, les pâtres descendaient de leurs montagnes pour se joindre à son cortège ; et les bergers des Alpes, quittant leurs troupeaux, venaient se jeter humblement à ses pieds, ou poussaient des cris aigus du sommet des rochers, pour lui