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macérations ne lui avaient point enlevés, priait sur les marches de l’autel, désespérant du succès de l’œuvre fondée par son prédécesseur, lorsqu’une trentaine d’hommes, conduits par l’un des plus jeunes d’entre eux, frappent à la porte du couvent. Bernard se jette aux pieds de saint Étienne et le prie de les recevoir dans son monastère. Étienne les introduit tout ému, et bientôt, édifié de leur ferveur, il les admet au noviciat. L’année suivante, leurs vœux furent prononcés ; Bernard avait vingt-trois ans.

Cîteaux avait, dès ce jour. traverse la crise de l’enfantement. L’exemple de ces gentilshommes quittant le bien-être et les joies du foyer, sacrifiant le brillant avenir que leur position sociale leur promettait, pour se vouer à une vie pauvre, abjecte et oubliée, fut contagieux. Le nouveau monastère ne put contenir tous les postulants, et l’année suivante, peu après la profession de saint Bernard, il fallut envoyer une première colonie de moines à la Ferté, puis une deuxième à Pontigny ; et enfin, en 1115, la maison-mère, toujours trop étroite, dut laisser partir un nouvel essaim. Bernard, bien qu’il entrait seulement dans sa vingt-cinquième année, fut choisi pour en être le chef. Suivant l’usage de Cîteaux, toute la communauté se réunit dans l’église ; l’abbé de la maison-mère déposa une croix entre les mains de celui devait être revêtu de la dignité abbatiale ; puis Bernard et les douze moines qui lui étaient confiés prirent congé de leurs frères et entonnèrent, en partant, une grave psalmodie.

Ils se rendirent dans une terre couverte de bois et de marécages, offerte par Hugues, comte de Troyes, à l’abbé Étienne, et située au diocèse de Langres, sur les confins de la Champagne et de la Bourgogne. Bientôt une partie