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la commende, c’est-à-dire de la collation d’un ou de plusieurs bénéfices ecclésiastiques à une personne engagée ou non engagée dans les ordres, avec dispense de résider dans aucun de ces bénéfices.

Ce fut une singulière déviation de la nécessité de confier la garde d’un établissement ecclésiastique, dont le titulaire venait à manquer, à une personne étrangère à cet établissement, et pour le temps de la vacance seulement. Le gardien ou commendataire, de commendare, confier, se bornait à administrer les revenus, à remplir la charge d’âmes, s’il y avait lieu, et rendait compte de sa gestion au nouveau titulaire. C’est ainsi que Grégoire le Grand (590-604) confia aux évêques l’administration des monastères pendant la vacance du siège abbatial, afin de prévenir les brigues des électeurs. Ce patronage était tout dans l’intérêt des monastères, et il n’eut pas de graves inconvénients, tant qu’il fut réservé aux évêques seuls.

« Toutefois, les commendes ne tardèrent pas à s’écarter du but qui leur avait donné naissance. Dans les temps de troubles et de dangers où le droit du plus fort était seul respecté, les évêques et les abbés appelèrent les seigneurs à leur secours contre les agressions injustes et se placèrent, eux et leurs églises, sous la protection d’un suzerain capable de les défendre. Le remède fut peut-être pire que le mal ; car, par là, le système féodal s’étendit sur les biens de l’Église. Les nouveaux suzerains s’habituèrent bientôt à les regarder comme leur propriété ; ils en disposèrent à leur gré ; ils les donnèrent en fiefs à leurs leudes ou fidèles, pour récompenser les services qu’ils en auraient reçus[1]. » C’est ainsi que Charles Martel distribua aux

  1. Annales d’Aiguebelle, t. I.