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AM-AMBROUK

2 Am-, particule privative, à mutation douce. Ce n’est pas la particule privative i.-e. *ṇ-, si répandue partout ailleurs[1] : sk. a-, an-, gr. ἀ- ἀν- (a-, an-), lat. in-, gerra. (ag., al., etc.) un-, L’am- négatif br. ne diffère pas du précédent : en d’autres termes, partant du sens « autour » et passant par celui de « à côté », am- en est venu à prendre la fonction de l’ancien an- négatif [2], qu’il a entièrement supplanté. — Ern.

Ama, amaṅ, adv., ici : préf. a-, devant un nom perdu partout ailleurs (mais cf. azé et méaz), qui équivaut à l’ir. magen « lieu », dér. du celt. *mag-o- (même sens).

Amann, s. m., beurre, corn. amen-en, cymr. ymen-yn, gael. et ir. im, vir. imb, d’un celt. *emb-en, dont la rac. est la même que celle du sk. añj « oindre », áñj-as « onguent », lat. ungu-ere, ungu-en, ungu-en-tu-m, al. ank-e « beurre ».

Ambiḷ, adj., qui va en tête : contamination possible de la locution *en-ibil avec la locution fr. en cheville, dont elle est la traduction, et qui se dit dans le Bas-Maine ce des bœufs et des chevaux qu’on place en tête des attelages » Dn. — Conj.[3]

Ambren (T., V.), s. f., délire : exactement « dérèglement », préf. am- > amb-, et rén[4]. V. ces mots, et cf. rambré et kantréa.

Ambrouk, s. m., conduite en cérémonie, mbr. hambrouc, corn. hembrouk' « il reconduira », hombronkyas « il reconduisit », mais hebrenchiat « reconducteur », cymr. hebryngiad (id.), hebrwng « reconduire » »[5]. Le mot

  1. En effet, indépendamment de l’m au lieu d’n, cette particule, ne se terminant point par une voyelle, ne produit pas et ne saurait produire mutation douce dans les rares mots bretons où elle a subsisté (cf. koun et aṅkounac’h).
  2. Soit, par exemple, déré « décent » et am-zéré « à côté du décent », d’où « indécent », et ainsi des autres.
  3. Ainsi s’expliquerait l’ final. Le rapprochement avec dibiḷ, dispiḷ, etc. (Ern., p. 186), est bien douteux et d’ailleurs dubitatif. Une locution marc’h ambiḷ « cheval qui va l’amble », à laquelle j’avais songé d’abord, est moins satisfaisante que l’hypothèse portée au texte.
  4. D’après cette étymologie, le mot devrait être masculin : il a passé au féminin, parce que tel est le genre de la majorité des noms terminés eu -en. Quant à l’insertion du b entre m et r, cf. lat. camera > fr. chambre, et cent autres exemples du même phénomène dans les langues les plus diverses.
  5. Le br. a partout la nasale en première syllabe ; le cymr. ne l’a jamais ; le corn. alterne : en l’état, il est impossible de savoir si l’une et l’autre forme ne seraient pas légitimes, auquel cas on aurait affaire à deux préfixes différents, ou si, par exemple, le br. hambrouk ne serait pas altéré par métathèse d’un plus ancien *habrounk = cymr. he-brwng. La seule chose sûre, c’est que ce préfixe commençait par un h et par suite procédait d’un adverbe i.-e. commençant par un s, soit *sen- ou *sed-, qui signifie « à part » : cf. sk. sanutár « à part », gr. ἄτερ (ater) « sans », al. sonder « séparément », lat. sed- dans sed-itio, se-cernere, etc., etc. s.