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de l’abbaye de pontigny.

Le château de Maligny, conservé jusqu’ici avec ses fossés et ses dépendances, paraît fort ancien. Dans le siècle dernier il appartenait à la famille Daguesseau ; quelques années avant 1789, il fut vendu à M. Devin de Belleville.

En 1789, le bruit du soulèvement de la capitale étant répandu dans les provinces, une soixantaine de boute-feux révolutionnaires se rassemblent dans Maligny et envahissent le château à main armée. Chevillot, l’un des principaux séditieux, saisissant le régisseur à la gorge : Tu sauras, lui dit-il, que je m’appelle Ravaillac ; en même temps il lui assène un coup de son sabre rouillé sur la poitrine, et lui fait seulement une forte contusion ; ensuite, le repoussant avec violence, il lui arrache sa chemise en lambeaux. Ils demeurèrent trois jours maîtres du château et de Maligny, occupés à boire et à piller ; ils s’emparent des archives du château et autres papiers, qu’ils livrent aux flammes. Pendant le jour, ils prennent chacun une corde à la main, vont chez leurs créanciers, et secouant à leurs yeux la corde fatale, ils s’écrient : Rends-moi mon obligation, ou bien voici qui va le servir. (La corde était alors le supplice des grands criminels.) Bien des dettes importantes furent ainsi acquittées. L’un d’entre eux en liquida pour sept mille francs dans un jour. Pendant la nuit, ils parcouraient les rues, ayant des chandelles allumées au bout de leurs fusils.

Cependant les gardes nationales de Ligny et de Chablis, instruites de ces désordres, arrivent au milieu de la troisième nuit ; les factieux, épuisés par la débauche et l’insomnie, étaient tous plongés dans