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histoire

des évêques, des seigneurs et des peuples. Dans les temps orageux du moyen-âge, cette noble abbaye ne fut-elle pas le flambeau de la foi et de la civilisation ? Ne s’éleva-t-elle pas contre l’anarchie qui dévorait nos contrées, alors que tout était barbare, excepté elle ? Les abbés, l’Évangile à la main, condamnaient l’ambition des uns, l’orgueil des autres, les usurpations, les brigandages, l’esclavage enfin. Leur charité ingénieuse finit par gagner les seigneurs du pays. Ceux-ci, entraînés par l’ascendant de la vertu, mettent leurs enfans au nombre de ces religieux qu’ils vénèrent ; bientôt ils veulent qu’on apporte leurs cendres dans l’abbaye. Cette sorte d’alliance, contractée avec les premières familles du pays, permet aux abbés de tout entreprendre pour le bien spirituel et temporel des peuples. Si les derniers temps de l’abbaye ont donné moins d’édification que les siècles précédens, les fidèles avaient moins besoin de son appui.

Que dirai-je encore de notre illustre abbaye ? Elle s’était acquise une réputation européenne par l’observance parfaite des réglemens de son ordre, par le nombre et la ferveur de ses frères ; elle fut pendant plusieurs siècles le refuge spécial des pécheurs. Que d’âmes n’a-t-elle pas ravies aux enfers pour en enrichir le royaume des cieux ? Là, des hommes de toute condition ont rejeté le pesant fardeau du monde pour se soumettre au joug de l’Évangile ; là, des grands ont échangé le faste et le luxe du siècle contre la vie humble et pauvre des moines. On a vu des évêques déposer le gouvernement de leur église et venir embrasser à Pontigny une vie plus douce et