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trop clairvoyant ; rien n’égale l’angoisse d’une Cassandre qui pleure de n’être pas écoutée ; quant à lui, on sait qu’il s’en est désespéré jusqu’à en mourir.

Il l’était parce qu’il était ambitieux, non de cette ambition vulgaire qui n’est qu’un appétit, mais de celle des âmes généreuses qui se sentent remplies d’une force bienfaisante et qui ne veulent pas qu’elle demeure inutile. La première, la plus basse, peut-être assouvie, l’autre est condamnée à se désoler éternellement de ne pouvoir faire tout le bien qu’elle a rêvé.

Si Gréard voulut lui aussi se dévouer à son pays, ce n’était pas en le dominant, c’était en se mettant à son service, en accomplissant avec une scrupuleuse régularité son devoir quotidien. C’est là qu’on peut trouver la paix, c’est ainsi qu’il avait conquis cette sérénité et cet optimisme où l’âme blessée de Prévost-Paradol aimait à chercher ce qu’elle appelait son refuge. Et cependant Gréard ne tirait peut-être pas de cette amitié un moindre avantage, puisque dans les rêves qu’il faisait pour son ami il trouvait la satis-