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SULLY PRUDHOMME

curseur, Chateaubriand, qui écrivait des phrases harmonieuses, et qui les aurait égalés s’il avait mis plus souvent à la ligne.

Il y a sans doute, aujourd’hui de jeunes poètes à qui ses idées semblent bien arriérées ; qu’ils se reportent à la belle notice biographique écrite par Gaston Paris en 1895 et surtout qu’ils méditent les dernières pages, celles où Paris défend son ami contre ceux qui, dans ce temps déjà, l’accusaient d’avoir vieilli. Aujourd’hui ce sont des hommes nouveaux, et avec de nouveaux arguments, qui veulent démontrer qu’il a vieilli, et quant à ses détracteurs d’autrefois, il n’y a pas quinze ans, et ils sont oubliés.

Sa poésie, si délicieusement française, était appréciée à l’étranger, et quand le prix Nobel de littérature fut décerné pour la première fois, ce fut lui qui fut choisi comme lauréat. Les reporters affluèrent ; la valeur du prix, et peut-être sa valeur pécuniaire plus que sa valeur morale, avait attiré l’attention publique, et avait fait pénétrer sa gloire dans des couches profondes que sa poésie n’avait pas remuées. L’Europe croit