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SAVANTS ET ÉCRIVAINS

sait mettre en branle celle qui conduit la danse et bientôt toutes les autres suivent ; bientôt toute l’âme est soulevée de vagues qui s’y croisent en tout sens. Cette agitation même entraîne à sa suite l’émotion esthétique qui y semble attachée, comme si l’homme s’exaltait au-dessus de lui-même en sentant son cœur battre plus vite. Cette émotion vient sans doute aussi quand l’âme est remuée par les accidents de la vie, mais elle se trouve masquée alors par la violence des passions et elle reste inaperçue. Elle est au contraire sans rivale en présence de l’agitation plus douce qu’éveille en nous l’œuvre d’art.

Sully ne pouvait oublier l’art qu’il avait cultivé lui-même, la poésie. Sur celui-là aussi, il avait réfléchi. Il restait fidèle à la prosodie traditionnelle et il cherchait non sans succès, et surtout non sans finesse, à en justifier les règles par la raison. Il montrait ce qu’il y avait d’artificiel et de faux dans certaines nouveautés retentissantes.

Il s’amusait à rappeler aux versificateurs trop indépendants qu’ils avaient eu un pré-