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SAVANTS ET ÉCRIVAINS

côté le plan du monde qu’il veut créer et qu’il veut l’un aussi bon, l’autre aussi mauvais que possible. Mais le bien n’existe que par le contraste du mal, le mal par celui du bien, et les deux plans finissent par être identiques.

Dans une langue bien faite, les adjectifs heureux et malheureux ne devraient avoir ni positif, ni superlatif, mais seulement un comparatif, et peut-être en est-il ainsi de tous les adjectifs.

C’est évidemment en créant l’homme que les deux esprits se sont trompés ; ils auraient pu se tirer d’affaire en lui donnant une autre âme, moins inquiète et moins fière, moins prompte à oublier, à se lasser de tous les biens ou à s’accoutumer à tous les maux. Mais peut-être est-il trop tard pour leur donner un conseil.

Dans le second de ces poèmes, le penseur cherche la Justice. Dans cette nature que l’on dit créée par un Dieu juste, il ne trouve que la lutte sans pitié entre les espèces, entre les États et, dans l’État, entre les citoyens. Par tout sur la terre le vainqueur a le mépris du droit. Et dans les autres astres ? Hélas, les