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leurs qualités ; ce ne seront pour ainsi dire plus des éléments matériels, puisqu’on les aura dépouillés de tout ce qui pourrait frapper nos sens. Il en est tout autrement de l’autre côté de la Manche ; on veut faire de la matière, non plus avec quelque chose de plus pur que la matière et qui n’est pas de la matière, mais bien avec quelque chose d’aussi semblable que possible à la matière qui nous est familière, quelque chose que l’on pourrait presque voir et toucher. Expliquer un phénomène physique, c’est imaginer un modèle, un appareil visible et palpable, qu’on pourrait à la rigueur commander à un constructeur, et dont le fonctionnement reproduirait grossièrement quelque chose qui ressemble au phénomène à expliquer. Si un de ces modèles devient insuffisant pour expliquer un phénomène nouvellement découvert, lord Kelvin n’hésite pas à y ajouter un « renvoi de sonnette » (sic) absolument comme s’il avait un serrurier à sa disposition. Et que dire de l’éther ? En France ou en Allemagne, ce n’est guère qu’un système d’équations différentielles ; pourvu que ces équations n’impli-