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au combat, non avec l’âpre énergie du Titan qui raidit tous ses muscles, mais avec la confiance souriante d’un Olympien bon enfant. Si les discussions étaient vives, jamais ses coups n’étaient dirigés contre les personnes. Aussi s’est-il battu toute sa vie sans se connaître un ennemi.

Et quand il s’égara un moment dans la politique, à une époque de passions violentes, il sut désarmer les haines de ses adversaires ; ou plutôt il n’eut pas besoin de les désarmer, elles semblèrent l’ignorer et tous les coups s’écartèrent devant lui.

D’où lui venait ce singulier privilège ? Son secret est bien simple : il a rencontré partout la bienveillance, parce qu’il a toujours été bienveillant pour tous. Je ne dis pas seulement courtois : la courtoisie est un fruit de l’éducation ; son universelle sympathie était un don de la nature, et elle était écrite de tels traits sur son aimable physionomie, que le plus humble débutant l’abordait avec confiance.

Les candidats à qui il refusait sa voix n’avaient pas le courage de lui en vouloir et se retiraient charmés de son accueil.