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trouve dans une couche des mollusques qui ne peuvent vivre au-dessous de 20°, il conclura que les mers de ce temps étaient chaudes ; mais si ensuite un de ses collègues découvrait dans la même strate d’autres animaux que tuerait une température supérieure à 5°, il conclurait que ces mers étaient froides.

On peut avoir des raisons d’espérer que les observations ne se contrediront pas en fait, ou que les contradictions ne seront pas irréductibles, mais nous ne sommes plus pour ainsi dire garantis contre le risque d’une contradiction par les règles mêmes de la logique formelle. Et alors on peut se demander si en raisonnant comme les géologues, on ne tombera pas un jour dans quelque conséquence absurde, de sorte qu’on sera obligé de conclure à la mutabilité des lois.

IV

Qu’on me permette ici une digression. Nous venons de voir que le géologue possède un instrument qui manque au mathématicien et qui lui permet de conclure du présent au passé. Pourquoi le même instrument ne nous permet-il pas de conclure du présent à l’avenir ? Si je vois un homme de vingt ans, je suis sûr qu’il a franchi toutes les étapes