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bonne fortune, s'il a mis en évidence quelque loi inconnue de la sismologie.

Voici tout de suite un exemple qui s'impose ; les physiologistes pratiquent sans scrupule la vivisection, et c'est là un crime qu'aux yeux de bien des vieilles dames, aucun des bienfaits passés ou futurs de la science ne pourra jamais excuser. À les en croire, les biologistes, en se montrant impitoyables pour les animaux, doivent devenir féroces pour les hommes. Elles se trompent sans aucun doute ; j'en ai connu de très doux.

La question de la vivisection mérite de nous arrêter un moment, bien qu'elle m'entraîne un peu hors de mon sujet. Il y a là un de ces conflits de devoirs que la vie pratique nous montre à tout instant. L'homme ne peut renoncer à savoir sans s'amoindrir ; et c'est pourquoi les intérêts de la science sont sacrés ; c'est aussi à cause des maux qu'elle peut guérir ou prévenir et dont la masse est incalculable ; et d'un autre côté la souffrance est impie (je ne dis pas la mort, je dis la souffrance). Bien que les animaux inférieurs soient sans doute moins sensibles que l'homme, ils méritent la pitié. Ce ne sera que par des cotes mal taillées qu'on pourra s'en tirer ; le biologiste ne doit entreprendre, même in anima vili, que des expériences réellement utiles ; il y a aussi très souvent des moyens de réduire la douleur à son mini-