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pour chaque métier; les sentiments du laboureur ne sont pas ceux du financier, le savant a donc lui aussi sa psychologie particulière, j'entends sa psychologie affective et il en rejaillit quelque chose sur celui qui ne touche à la science que par occasion.

D'un autre côté, la science peut mettre en œuvre les sentiments qui existent naturellement chez l'homme ; pour reprendre notre comparaison de tout à l'heure, on aura beau construire des assemblages compliqués de bielles et de manivelles, la machine ne marchera pas s'il n'y a pas de vapeur dans la chaudière ; mais, si la vapeur est là, le travail qu'elle fera ne sera pas toujours pareil à lui-même ; il dépendra du mécanisme auquel on l'appliquera. De même on peut dire que le sentiment nous fournit seulement un mobile général d'action ; il nous donnera la majeure de notre syllogisme, qui, comme il convient, sera à l'impératif ; de son côté la science nous fournira la mineure qui sera à l'indicatif, et elle en tirera la conclusion qui pourra être à l'impératif. Nous allons examiner successivement ces deux points de vue.

Et d'abord la science peut-elle devenir créatrice ou inspiratrice de sentiments ; ce que la science ne peut faire, l'amour de la science pourra-t-il le faire ?

La science nous met en rapport constant avec