Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE VIII

LA MORALE ET LA SCIENCE

Dans la dernière moitié du XIXe siècle, on a bien souvent rêvé de créer une morale scientifique. On ne se contentait pas de vanter la vertu éducatrice de la science, les avantages que l’âme humaine retire pour son propre perfectionnement du commerce de la vérité regardée face à face. On comptait que la science mettrait les vérités morales au-dessus de toute contestation, comme elle a fait pour les théorèmes de mathématiques et les lois énoncées par les physiciens.

Les religions peuvent avoir une grande puissance sur les âmes croyantes, mais tout le monde n’est pas croyant ; la foi ne s’impose qu’à quelques-uns, la raison s’imposerait à tous. C’est à la raison qu’il faut nous adresser, et je ne dis pas à celle du métaphysicien dont les constructions sont brillantes, mais éphémères, comme les bulles de savon dont on s’amuse un instant et qui crèvent. La science