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jours la même, à peine maquillée. On n’est donc arrivé à aucune conclusion ; si je disais que j’en ai été étonné, je donnerais une triste idée de ma pénétration psychologique.

Dans ces conditions, convient-il de répéter une fois de plus les mêmes arguments, auxquels je pourrais peut-être donner une forme nouvelle, mais auxquels je ne pourrais rien changer dans le fond, puisqu’il me semble qu’on n’a pas même essayé de les réfuter. Il me semble préférable de rechercher quelle peut être l’origine de cette différence de mentalité qui engendre de telles divergences de vues. Je viens de dire que ces divergences irréductibles ne m’avaient pas étonné, que je les avais prévues dès la première heure, mais cela ne nous dispense pas d’en chercher l’explication ; on peut prévoir un fait, à la suite d’expériences répétées, et être pourtant très embarrassé pour l’expliquer.

Cherchons donc à étudier la psychologie des deux écoles adverses, à un point de vue purement objectif, comme si nous étions nous-mêmes placés en dehors de ces écoles, comme si nous décrivions une guerre entre deux fourmilières; nous constaterons d’abord qu’il y a chez les mathématiciens deux tendances opposées dans la façon d’envisager l’infini. Pour les uns, l’infini dérive du fini, il y a un infini parce qu’il y a une infinité de choses finies possibles ; pour les autres l’infini préexiste au fini,