Page:Henri Poincaré - Calcul des probabilités, 1912.djvu/11

Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION. 5 l'univers à l'instant initial, nous pourrions prédire exacte- ment la situation de ce même univers à un instant ultérieur. Mais, lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrions connaître la situation qu'approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c'est tout ce qu'il nous faut, nous disons que le phénomène a été prévu, qu'il est régi par des lois; mais il n'en est pas tou- jours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédic- tion devient impossible et nous avons le phénomène for- tuit. Notre second exemple sera fort analogue au premier et nous l'emprunterons à la météorologie. Pourquoi les mé- téorologistes ont-ils tant de peine à prédire le temps avec quelque certitude? Pourquoi les chutes de pluie, les tempêtes elles-mêmes nous semblent-elles arriver au hasard, de sorte que bien des gens trouvent tout naturel de prier pour avoir la pluie ou le beau temps, alors qu'ils jugeraient ridicule de demander une éclipse par une prière? Nous voyons que les grandes perturbations se produisent généralement dans les régions où l'atmosphère est en équilibre instable. Les météorologistes voient bien que cet équilibre est instable, qu'un cyclone va naître quelque part; mais où, ils sonthors d'état de le dire; un dixième de degré en plus ou en moins en un point quelconque, le cyclone éclate ici et non pas là, et il étend ses ravages sur des contrées qu'il aurait épar- gnées. Si l'on avait connu ce dixième de degré, on aurait pu le savoir d'avance, mais les observations n'étaient ni assez serrées, ni assez précises, et c'est pour cela que tout